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dimanche 26 février 2017

LE DOUTE - S.K.TREMAYNE

 Voici un livre absolument hantant, spécial et émouvant, avec une intrigue étonnante. J’ai ressenti durant la lecture une multitude de sentiments et il m’a été impossible de deviner la vérité.
En fait, vous croyez la connaître, mais vous faites fausse route ! D’autres indices vous sont révélés, mais vous mettent encore sur une mauvaise piste !
C’est frustrant, brillant, à tel point qu’on ne peut pas s’arrêter de lire !

En fait, l'histoire se concentre sur des jumelles identiques, Kirstie et Lydia. Une des filles meurt dans un accident tragique et la famille essaie de passer à autre chose quand l'identité de la survivante est mise en question. Découvrir quelle jumelle est effectivement morte et ce qui s'est vraiment passé sur cette horrible nuit devient un mystère.

Les personnages sont puissants. Angus a le double rôle du père aimant, couvant, et du mari parfois de mauvaise humeur. Sarah, la mère, semble tantôt abattue, découragée, tantôt déterminée à découvrir la vérité. Quant à la jumelle survivante, Kirstie ?, Lydia ?, elle a une personnalité complexe. Parfois charmante et douce, parfois détestable à en donner des frissons. On imagine bien qu’elle puisse faire quelque chose d’horrible, et l’instant suivant on l’aime à nouveau.

Quant à l’atmosphère du livre, elle est ressentie comme l’île, solitaire et désolée, comme le deviennent aussi les personnages après qu’ils s’y soient installés. Même la maison semble avoir ses propres fantômes, et manque de chaleur.

Mon seul problème avec ce livre est d’accepter le postulat de départ que les jumeaux peuvent être à tel point identiques que même leurs propres parents ne peuvent les différencier. Je peux imaginer qu’il puisse être possible de les confondre quand ils sont bébés, mais plus difficilement quand ils deviennent plus âgés.

Hormis cela, c’est un excellent thriller psychologique dont on dévore les pages jusque la fin qui répond à toutes nos questions.


Quand on aime vraiment, on se détruit soi-même, on rend les armes, on tue délibérément quelque chose en soi.

Peut-être qu’entre un homme et une femme qui ont eu un enfant ensemble il reste toujours, quoi qu’il arrive par la suite, un soupçon d’amour résiduel : même englouti, il est toujours là, comme une épave au fond de la mer.

S. K. Tremayne est un des pseudonymes de l'écrivain et journaliste Sean Thomas, qui utilise également celui de Tom Knox pour certains de ses ouvrages.

Né en 1963 dans le Devon en Angleterre, il a étudié la philosophie à Londres. Il se tourne ensuite vers le journalisme, et rédige des articles pour le Times, le Daily Mail, le Sunday Times, et le Guardian. 
Comme son père, l'auteur D. M. Thomas, il se passionne également pour la littérature, et publie plusieurs romans, se spécialisant pour les thrillers (souvent imprégnés des thèmes de l'archéologie ou de la religion).

Il commence par publier plusieurs romans sous son véritable nom, avant d'adopter à partir de 2009 le pseudonyme Tom Knox, puis en 2015 celui de S. K. Tremayne pour son roman "Le doute" ("The ice twins" en anglais).

Il vit actuellement à Camden, à Londres. 


LE DOUTE - S.K.TREMAYNE
PRESSES DE LA CITE  -  Septembre 2015

UN ANGE BRÛLE - Tawni O'DELL



Avec son écriture ciselée et son exceptionnel pouvoir d'évocation, l'auteur du Temps de la colère nous livre un roman sombre et tendre, qui brosse le portrait d'une certaine Amérique figée dans le temps et la rouille, où derrière le calme de façade bout une violence née de la misère.

Dove Carnahan n'est pas femme à se laisser déstabiliser. À bientôt cinquante ans, la chef de police d'une petite ville minière de Pennsylvanie a l'habitude des situations difficiles. Pourtant, devant le corps à demi calciné de la jeune Camio Truly, Dove vacille.
Issue d'une famille de rednecks versée dans l'alcool et les magouilles, l'adolescente était promise à un autre avenir : une bourse universitaire, une porte de sortie vers un monde meilleur. Un rêve soudain brisé.
Dove prend l'affaire personnellement. Elle qui a dû se battre pour se sortir d'une enfance chaotique veut rendre justice à cette innocente. Après tout, sa propre famille n'est pas si différente des Truly.

Au même moment, un homme est remis en liberté après trente-cinq ans passés sous les verrous. Pour Dove, pour les siens, c'est le souvenir d'un indicible drame qui ressurgit.

Peut-on jamais tourner le dos à son passé, à sa famille ?


Un ange brûle est un thriller à plusieurs intrigues. La principale est l’assassinat horrible de Camio Truly, une jeune fille de 16 ans, membre d’ une famille complètement dysfonctionnelle.
D’autres mystères et révélations viennent se greffer à l’histoire principale : le meurtre de la mère de Dove Carnahan, la sortie de prison et les menaces de son présumé assassin, le retour de son jeune frère, Champ, qui revient après 25 ans .

Tawni O’Dell décrit avec brio la dynamique de Campbell’s Run, une petite ville de Pennsylvanie, ainsi que les problèmes et dysfonctionnements de la famille Truly.
Le descriptif des personnages, aux personnalités complexes, est assez bien réussi. J’ai ressenti vis à vis de certains de la compassion, compte tenu de la vie difficile, voire atypique qu’ils ont menée, même si je ne souhaite pas vraiment les connaître, ni les rencontrer.
Le personnage de Dove Carnahan, chef de la police municipale, est particulièrement intéressant : une personnalité marquée par une jeunesse troublée (absence du vrai père, mère frivole et inconsistante qui finit assassinée, amants répétés, frère abusé), un manque de confiance en soi, et une difficulté d’établir une relation affective durable.
J’ai également apprécié le caractère de sa sœur Neely, et le jeune Derk Truly, un enfant plutôt turbulent dont l’auteur décrit à merveille les pitreries.

Bien que j’aie mis un peu de temps pour rentrer dans l’histoire, l’évolution de l’enquête et les nombreux rebondissements ont fini par capter toute mon attention.
Je regrette simplement une fin qui manque de surprise, et des épilogues trop rapides, voire insuffisants, concernant certaines intrigues annexes.

L'amour qu'une mère porte à son enfant est une force naturelle, quelque chose de viscéral, d'irrépressible, d'incommensurable, d’inflexible. On ne peut pas l'acheter, ni l'enseigner, ni le remplacer, ni le conquérir. Une mère fera passer son bonheur et son bien-être après celui de ses enfants, toujours.
Enfin, peut-être pas toutes les mères.

En dépit du prétendu bon sens religieux que mes amis pratiquants ne cessent de me vanter, ou du fait incontestable que notre cerveau plus développé nous dote d'une capacité de raisonnement supérieure, je trouve les êtres humains encore moins aptes à se défaire de leurs mauvaises habitudes que les autres mammifères.



Tawni O'Dell est née au coeur de la Pennsylvanie occidentale, région à la fois sauvage et minière qui a inspiré son oeuvre. Après Le Temps de la colère (2001 ; 10/18, 2004), son premier roman, en cours d'adaptation cinématographique, qui a obtenu un succès foudroyant aussi bien auprès de la critique que du public, Retour à Coal Run (2004 ; 10/18, 2007), Le ciel n'attend pas (2007 ; 10/18, 2009) et Animaux fragiles (2010), Un ange brûle est son cinquième roman à paraître chez Belfond. Ses ouvrages ont été publiés dans plus de quarante pays. Tawni O'Dell vit en Pennsylvanie avec ses deux enfants.


UN ANGE BRÛLE  -  Tawny O'Dell
Belfond  -  Février 2017

mercredi 15 février 2017

ILS ONT ABATTU LES GRANDS ARBRES - Kurt JAIS-NIELSEN

Paris, 1997. Eva se rend chez une connaissance de longue date. Un ami plus qu’intime. Un rendez-vous qu’elle a préparé de longue date, depuis que l’évidence s’était imposée. Sa rancœur est contenue. Un désespoir ordinaire remplace sa rage initiale. Mais sa décision est prise. Elle est là pour le tuer.
Au commissariat, elle est concise, retenue, précise. Elle fait sa déposition sans le moindre mensonge, avoue avoir prémédité son geste, mais affiche froideur et distance. Attitude d’une grande orgueilleuse ou d’une grande blessée ?
Le juge Sagedieu et le commandant Milnor vont sillonner les dédales du passé d’Eva à la poursuite de rares témoins. A l’issue d’une traque étonnante, ils parviennent à reconstituer son parcours, la douloureuse route de sa vie.

Contrairement à ce que le début nous laisse penser, Ils ont abattu les grands arbres est plus un roman de littérature générale qu’un roman policier, car l’objectif de Kurt Jais-Nielsen est bel et bien de nous raconter le génocide rwandais – le titre du livre en étant le message déclencheur - dans toute son horreur, tel que l’a vécu Eva, se substituant en quelque sorte à l’avocat de la défense, chargé de défendre sa cliente devant un parterre de jurés que sont les lecteurs.
Et pour comprendre le geste d’Eva, l’auteur nous raconte son enfance, sa scolarité, ses fréquentations, ses états d’âme, sa mélancolie qui s’installe progressivement jusqu’à devenir mal-être endémique, sa promesse faite à un sans-abri rwandais à Paris, sa renaissance au contact du sol africain, ses relations avec un époux dominant, ...
Kurt Jais-Nielsen, avec un style limpide, nous permet d’imaginer toute la beauté naturelle du Rwanda, le pays aux mille collines, de ressentir la révolte comme on entend sourdre l’eau qui évolue en torrent rugissant comme le bruit des machettes mêlé aux cris de terreur et d’agonie.
Eva y fait des rencontres qui vont changer le sens de sa vie. « Un sens à cette vie terrestre, enfin, un putain de sens, se dit-elle, ne pas le lâcher ! »
Et petit à petit, au fil de l’histoire, nous découvrons toute l’horreur d’une trahison qui justifie amplement son acte prémédité.
C’est un livre qui ne laisse pas indifférent, une histoire dont on ne sort pas indemne, avec des personnages marquants qu’ils soient attachants ou détestables.
Un superbe roman !

Un auteur à découvrir !

A Goma elles découvrirent la réalité d'un camp de réfugiés. D'abord, l'odeur de la mort : mélange âcre de viandes avariées, d'urine et de déjections, odeur que le soir on ramène chez soi. On se lave, on change de linge, mais l'odeur reste tapie au fond des narines, indélogeable à moins de s'amputer du nez. Et lorsqu'on n'a pas de chez-soi, pas de linges de rechange, ni aucun lieu intime où faire sa toilette, on devient soi-même un cadavre vivant qui pue.

 Ils avaient tué son mari, ses quatre fils, puis l'ont emmenée vers un gymnase où étaient parquées des centaines d'autres femmes, offertes en pâture à une bande de sauvages. "Des batteries de poules conduites à l'abattoir", avait dit Uwase. Sauf qu'ici, au Rwanda, il s'agissait d'un type nouveau de boucherie : le viol collectif pratiqué à la chaîne, chronomètre en main !


Kurt JAIS-NIELSEN, né à Copenhague, arrive, enfant, à Paris. Après un long détour par les Mathématiques et la Finance, il se consacre désormais à l’écriture tout en considérant cette première expérience comme une étape utile à l’ancrage de ses pensées dans la page blanche. Ils ont abattu les grands arbres est son second roman.

ILS ONT ABATTU LES GRANDS ARBRES  -  Kurt Jais-Nielsen
Editions TENSING  -  11/2016

jeudi 9 février 2017

GUÉRILLA SOCIAL CLUB - Marc Fernandez

Après avoir abordé le thème des bébés volés de la dictature franquiste, Marc Fernandez prend pour thème de son second roman la dictature Pinochet en Argentine.
Diego Martin, journaliste radio spécialisé en affaires criminelles, personnage récurrent de son premier roman, enquête avec l’aide de ses amis sur une organisation criminelle importante qui s’en prend à des ex-guerilleros du commando Libertad qui a pris les armes contre le régime du Général Pinochet, dans les années 70 au Chili. L’Histoire semble bien être un éternel recommencement. A nouveau des enlèvements, des assassinats. Les victimes sont de la même génération, ont vécu la même époque, le même combat. Ennemi un jour, ennemi toujours.
Diego doit faire tout son possible pour protéger son ami, Carlos Bravo, aussi menacé.
Il faut savoir qui se cache derrière ces meurtres, découvrir le pourquoi du comment.

Cette sombre période de dictature qu’a vécu l’Amérique latine sert à l’auteur de point de départ pour une intrigue plaisante, qui se lit aisément. Marc Fernandez connaît bien le monde du journalisme. On le comprend dans ses propos et dans sa façon d’écrire. Une écriture fluide, au rythme soutenu, sans véritable relâchement.
Je suis par contre plus critique vis-à-vis du roman policier qu’il est censé être. Ne vous attendez pas à lire ici un excellent polar, avec des rebondissements inattendus, et une fin à vous mettre un slip sur la tête ! Le côté polar est plutôt convenu, sans véritable originalité.
Les personnages me semblent aussi manquer de complexité, ne suscitant pas assez d’empathie pour en devenir attachants et donner plus de profondeur au roman.
Quant au contexte historique, je le trouve abordé d’une manière insuffisante. On est loin de l’atmosphère oppressante du Condor de Caryl Férey.

En résumé, une histoire agréable et facile à lire, mais dont la réalité historique aurait pu être abordée d’une manière plus riche et intéressante.


Dieu que c'est bon de pouvoir parler librement. De dire qu'on n'est pas d'accord avec le gouvernement ou son voisin, sans risquer d'être arrêté, torturé, jeté en prion ou, pire, de prendre une balle entre les deux yeux. D'écouter la musique que l'on veut. De choisir les journaux et les livres que l'on va lire. De vivre, tout simplement. En démocratie. Système certes imparfait, mais on n'a rien trouvé de mieux jusqu'à présent.




Marc Fernandez, cofondateur et rédacteur en chef de la revue Alibi, consacrée au polar, est journaliste depuis plus de quinze ans. Il a longtemps été chargé de suivre l'Espagne et l'Amérique latine au Courrier international. Il est également coauteur de plusieurs livres d'enquêtes (La ville qui tue les femmes, Hachette Littératures). Mala Vida est son premier roman en solo.


GUÉRILLA SOCIAL CLUB - Marc Fernandez
Préludes - 08/03/2017

dimanche 5 février 2017

UN CRI SOUS LA GLACE - Camilla Grebe

Une jeune femme est décapitée dans la maison d'un PDG controversé d'une chaîne de vêtements. L'identité de la femme est inconnue. L'homme d'affaires, Jesper Orre, a tout simplement disparu.
L'histoire est racontée d’une manière alternée par trois personnages de première importance.
L'inspecteur Peter Lindgren, un homme désabusé et découragé, n’ayant pas accepté son rôle de mari et de père, et dont le seul véritable engagement a toujours été son travail.
Une ancienne profileuse, Hanne, invitée comme consultante car elle a participé à une enquête sur un crime similaire dix ans plutôt. Hanne présente des signes précurseurs de démence précoce et est piégée dans un mariage sans amour à un homme qui veut tout contrôler.
Ensuite, il y a le point de vue d'Emma qui, contrairement aux deux autres, commence dans le passé et raconte sa relation avec son fiancé, Jesper Orre, une relation qu'ils doivent garder secrète parce qu'il est son employeur.


Comme souvent dans la littérature policière scandinave, on retrouve une atmosphère froide et sombre typique et une procédure policière détaillée, mais les points de vue alternés et la description complexe de la vie passée et présente des trois personnages principaux renforcent l’intrigue d’une façon particulièrement intéressante. L’étude des personnages est fascinante et constitue à elle seule une intrigue parallèle et tout aussi intéressante que l’enquête policière. La solution du crime devient évidente à mi-parcours du roman, mais cela ne diminue pas pour autant le plaisir de lecture. Un premier roman très bien écrit par l'écrivaine suédoise Camilla Grebe, que je recommande fortement si vous aimez la fiction avec un aspect nordique sombre.

Une enquête pour homicide, c'est exactement comme la vie : il y a un début, un milieu et une fin. Et, comme la vie, on ne sait jamais où on en est avant qu'elle soit achevée. Parfois, elle se termine presque avant d'avoir commencé et parfois, on a l'impression qu'elle continue pour toujours, jusqu'à ce qu'elle périclite ou qu'elle soit classée sans suite.
La seule différence, c'est qu'avec les enquêtes, l'objectif est d'arriver à une conclusion le plus rapidement possible - contrairement à la vie.




Camilla Grebe est déjà célèbre en Suède pour sa série de polars écrite avec sa soeur et finaliste du prix Best Swedish Crime Novel of the Year. Un cri sous la glace, son premier livre en solo paru en 2015 en Suède, fut un bestseller dès sa sortie. Thriller captivant dans la veine des Apparences de Gillian Flynn, il est sur le point de devenir un phénomène mondial.



Un cri sous la glace  -  Camilla Grebe
Calmann-Lévy  -  Février 2017