Rechercher dans ce blog

dimanche 27 mai 2018

COLLUSION - Stuart NEVILLE


Retour dans la bibliographie de Stuart Neville, un auteur d’origine irlandaise que j’ai découvert avec Silver Water, écrit sous le pseudonyme de Haylen Beck, et avec Les Fantômes de Belfast, premier roman de la série Jack Lennon, publié en 2009.

Collusion, second ouvrage de l’auteur, publié en 2010 et en français en 2012, est aussi le deuxième tome de la série Jack Lennon et constitue vraiment une suite. L’histoire se déroule trois mois plus tard en reprenant les mêmes personnages. Il apparaît donc absolument nécessaire d’avoir lu son premier roman Les Fantômes de Belfast pour aborder celui-ci.

Après avoir enfin calmé les voix obsédantes de ses victimes, en tuant les commanditaires des assassinats qu’il a commis, Gerry Fegan, un tueur dérangé de l’IRA, fuit l’Irlande, non sans promettre à Marie et à sa fille de six ans Ellen une protection indéfectible. (Les fantômes de Belfast)
Mais Fegan, qui a fui à New York, a commis une erreur fatale en épargnant la vie de Bull O’Kane, un criminel impitoyable qui ne recule devant rien pour se venger. Il veut la mort de Fegan et des quelques témoins qui ont survécu à la fusillade sanglante et à son humiliation dans sa ferme frontalière.
Pour ce travail, Bull O’Kane choisit un tueur sans état d’âme, nommé Le voyageur. En capturant Marie et Ellen, il compte bien attirer Fegan dans un piège qui lui sera fatal.
De son côté, l’inspecteur Jack Lennon cherche aussi à les retrouver pour pouvoir enfin jouer son rôle de père auprès d’Ellen qui est sa fille.
Bull, devenu invalide, garde des amis corrompus en haut lieu. Par leur intermédiaire, Lennon se voit ordonner d’abandonner toute enquête sur le voyageur et son entreprise meurtrière. Bravant les intimidations de ses supérieurs, Lennon ne compte pas abandonner. Quant à Fegan, il se rend compte qu’il devra retourner à Belfast s’il veut protéger Marie et sa fille. Cette décision conduit ces quatre hommes vers une collision inévitable et un dénouement violent et tragique.



Dans ce second tome, l’auteur a repris les personnages survivants du premier, mais a surtout mis en scène Jack Lennon, qui tenait plutôt un second rôle, et le voyageur, absent du premier opus.

On fait donc plus ample connaissance avec ce policier, père de la petite Ellen, qu’il a refusé de reconnaître du fait que sa mère était protestante. Bourré de remords, il va donc tout faire pour les retrouver et les protéger. C’est à travers lui que s’articule la majeure partie du roman.

Pour supplanter Gerry Fegan, à la fois héros et tueur malade dans sa tête, il lui fallait un alter ego encore plus abominable. Le voyageur est le personnage central du livre, un sociopathe de la pire espèce, qui n’a aucune considération pour la vie humaine, ni pour la sienne puisque même blessé il préfère poursuivre ses proies plutôt que de se faire soigner. Son inhumanité terrifiante justifie amplement le classement du livre dans la catégorie thriller et roman noir.

Ellen, la petite fille de six ans, apporte un peu de fraîcheur dans cette histoire bien sombre. Ses rêves prémonitoires qui la hantent régulièrement donnent aussi un côté fantastique au récit.

L’équilibre entre thriller, roman noir, et fantastique est assez intéressant et contribue à faire de Collusion un roman bien ficelé que j’ai eu du mal à lâcher.
J’ai donc beaucoup apprécié ce livre, et j’aborderai prochainement avec beaucoup de plaisir la suite des aventures de Jack Lennon, avec le troisième livre de Stuart Neville, Les âmes volées.



Stuart Neville est un écrivain britannique (Irlande du Nord) né à Armagh en 1972.
Il étudie la musique à l'université, puis devient professeur de guitare, vendeur d’instruments de musique et webdesigner avant de devenir auteur de polars.

COLLUSION  -  Stuart NEVILLE
Editions RIVAGES 2012
Format poche RIVAGES/NOIR 2015


lundi 21 mai 2018

SOUS NOS YEUX - Cara HUNTER


Quand Daisy Mason, huit ans, disparaît d’un barbecue familial, personne ne s’aperçoit qu’elle est partie, et même ses parents ne se souviennent pas de la dernière fois qu’ils l’ont vue. Comment un enfant si apprécié peut disparaître sans laisser de traces ?
C’est le puzzle que l’inspecteur principal Adam Fawley et son équipe d’enquêteurs doivent comprendre. Et le peu d’indices s’avère particulièrement frustrant.

Sous nos yeux est le premier livre de Cara Hunter, et le premier d’une nouvelle série policière dont le protagoniste principal, l’inspecteur Adam Fawley, est un personnage intéressant, imparfait comme tant d’autres détectives intelligents, troublé par un événement familial dont l’auteur ne livre que quelques indices, suscitant suffisamment d’empathie pour le rendre attachant. Mais ce qui est primordial, c’est son dynamisme et son ambition pour un travail bien abouti. Le fait qu’il soit constamment contrarié par ce cas complexe rend la lecture fascinante. Les indices découverts au fil de l’enquête sont la source de nombreux rebondissements qui perturbent aussi bien les enquêteurs que le lecteur aguerri. Je ne vous dis pas le nombre fois où je croyais l’enquête résolue, alors qu’elle virait une fois de plus dans une direction que je n’avais pas imaginée.



Complexe et alambiqué, ce drame psychologique examine le contexte de l’affaire et les événements qui ont mené à la disparition de Daisy par quelques retours ponctuels dans le passé, tout en laissant l’enquête bien présente dans l’imagination.
Moins vous en saurez à propos de cette histoire, plus vous en apprécierez la lecture.
Ce qui est certain, c’est que Cara Hunter sait comment manipuler une intrigue compliquée. Le mystère au coeur du roman rend sa lecture fascinante.

Sous nos yeux m’a tenu en haleine, depuis son prologue poignant, jusqu’à sa conclusion dramatique et inattendue, et est sans aucun doute le début prometteur d’un nouvel auteur talentueux.



Cara Hunter vit à Oxford, dans une rue qui ne ressemble en rien à celles qu'elle décrit dans ses romans. Servi par un suspense intense et une mécanique implacable, Sous nos yeux, son premier roman, ravira les fans de Lisa Gardner (Famille parfaite) et de Shari Lapena (Le couple d'à côté).


SOUS NOS YEUX  -  Cara HUNTER
BRAGELONNE  -  16/05/2018

vendredi 18 mai 2018

LE PENSIONNAT DES INNOCENTES - Angela MARSONS


En pleine nuit, cinq personnes se rassemblent dans un champ. Ils se sont tous relayés pour creuser une fosse peu profonde. Ils pensaient leur plus terrible secret enterré à jamais …
Dix ans plus tard, une directrice d’école est retrouvée noyée dans sa baignoire. Peu de temps avant sa mort, elle s’était intéressée à une fouille archéologique dans un champ à côté d’une ancienne maison d’enfants, où elle avait travaillé avant qu’elle ne soit entièrement détruite par les flammes. Un second ex-employé de ce foyer est à son tour assassiné, tandis que les fouilles mettent à jour des restes humains. L’inspectrice Kim Stone et son équipe sont chargés de l’enquête. Kim, qui a connu enfant l’assistance publique, est profondément impliquée dans celle-ci. Elle commence une course contre la montre pour découvrir le lien entre les victimes actuelles et les ossements déterrés, et savoir qui connaît les secrets d’il y a dix ans, avant qu’ils ne soient tous morts.

Le marché du polar/thriller a le vent en poupe et il devient bien difficile de faire un choix parmi les nouveaux auteurs qui font leur apparition.
Le pensionnat des innocentes est le premier livre d’Angela Marsons traduit en France.
Il suit le schéma classique d’un bon roman policier : un crime est commis, une équipe d’inspecteurs est chargée de l’affaire, le lecteur se laisse surprendre par un ou deux twists, le crime est résolu, et tout le monde est heureux. Mais une différence subtile fait que ce livre se démarque des autres : l’émotion. Des tonnes et des tonnes d’émotion du fait qu’on a affaire ici à des enfants abandonnés par leurs proches, ayant survécus aux pires cas de négligence, recueillis par l’assistance publique, privés de la moindre chance de pouvoir rebondir dans la vie, et en plus trahis par des gens en qui ils accordaient leur confiance mais qui n’en avaient rien à faire.

Ces établissements s’apparentaient à des rebuts, des décharges où échouaient des gamins brisés dont personne ne voulait. Dans le meilleur des cas, ils y perdaient toute humanité et toute identité. Dans le pire des cas, ils y étaient victimes de nouveaux abus. Les mauvais traitements devenaient quelque chose de normal et, lentement, à force d’être sans cesse poussés vers le fond, ces enfants ne parvenaient plus à garder la tête hors de l’eau.

L’inspectrice Kim Stone est en quelque sorte une miraculée. Elle-même enfant de l’assistance publique, elle s’est forgée un caractère qui lui a permis de s’en sortir. Elle est une femme déterminée, qui sait exactement ce qu’elle veut et ne laisse rien lui barrer la route. Elle est froide, asociale et insensible, manquant de compétences relationnelles, mais possède une motivation à élucider ces meurtres qui s’explique par le besoin de rendre justice à ces enfants oubliés.


Ses coéquipiers sont décrits comme des professionnels. Ils sont entièrement dévoués à leur chef, même si celle-ci est dure et exigeante, et ils savent qu’ils peuvent compter sur elle en cas de besoin. Son partenaire Bryant est plus décontracté. Ils forment à eux deux une équipe qui se complète bien. Ils savent exactement ce que l’autre pense et a besoin. Les caractères individuels des membres de l’équipe sont intéressants et progressent au fil de l’histoire. Quant à l’inspecteur en chef, c’est le boss stéréotypé qui veut que tout soit fait dans les règles, mais finit par accepter l’une ou l’autre entorse surtout venant de Kim car il sait qu’elle n’a pas son pareil pour résoudre les affaires criminelles.

Quant aux personnages secondaires, ils s’intègrent parfaitement dans l’histoire à leur manière. Certains sont charmants, d’autres sont détestables. Mais tous ont leur propre rôle à jouer dans une histoire bien noire, pas facile à digérer tant le sujet – la maltraitance d’enfants abandonnés – est insupportable.
Tous tirent le lecteur à travers cette noirceur, le laissant absorbé dans la traque du meurtrier. La tension est parfaite jusqu’au dernier quart du livre où la course effrénée à la finale commence, avec bien sûr l’un ou l’autre twist qui sait nous surprendre.

Le pensionnat des innocentes est le premier tome d’une série d’enquêtes reprenant les mêmes personnages récurrents. Kim Stone a ce côté sympathique et crédible que l’on a envie de retrouver dans d’autres romans afin de découvrir d’autres facettes de son personnage.


Angela Marsons est auteur de roman policier.
Elle a travaillé comme agent de sécurité au centre commercial Merry Hill à Brierley Hill dans les Midlands de l'Ouest.
Elle est originaire de Black Country, une zone vaguement définie de l'agglomération anglaise des Midlands de l'Ouest, au nord et à l'ouest de Birmingham, où elle situe ses intrigues.
Elle est auteur d'une série de thrillers dont le personnage principal est le détective Kim Stone.
"Le pensionnat des innocentes" (Silent Scream, 2015) est son premier roman.


LE PENSIONNAT DES INNOCENTES  -  Angela MARSONS
BELFOND  -  16/05/2018

jeudi 10 mai 2018

LES BRUMES DE KEY WEST - Vanessa LAFAYE


Les brumes de Key West est à la fois un roman d’aventure, une romance, et un événement tragique tiré d’une période assez sombre de l’histoire américaine.
Vanessa Lafaye situe son récit dans les Keys de la Floride au début du 20ème siècle, et se base sur l’histoire réelle, un meurtre non résolu par le Ku Klux Klan en 1919.

1993. Key West, Floride. Quand un fonctionnaire du Ku Klux Klan est abattu en plein jour, tous les regards se tournent vers la personne qui tient l’arme : une cubaine de 96 ans qui ne dira rien sauf pour admettre sa culpabilité.

1919. La métisse Alicia Cortez arrive à Key West exilée en disgrâce de sa famille à La Havane. Dans le même temps, le héros de guerre John Morales, blessé, rentre chez lui sur le dernier navire de troupes américain en provenance d'Europe. À mesure que l'amour les rapproche en cette période de ségrégation raciale, les gens regardent, y compris Dwayne Campbell, adolescent pubère marqué par l’éducation du père, un pasteur ségrégationniste militant de la cellule locale du Ku Klux Klan.


Key West - The Bull and Whistle Bar

L’écriture fluide de Vanessa Lafaye attire instantanément. On peut sentir les odeurs pestilentielles du port, la saleté abondante, la chaleur étouffante, la verdure luxuriante, et même la tension palpable d’une ville bouillonnante de pauvreté, de corruption et de ressentiment racial. L’auteure crée des personnages imparfaits mais attachants. Alicia Cortez en particulier a une personnalité captivante et complexe.
Même si, au fil de l’histoire, on imagine assez mal son happy-end, on reste captivé par le récit, et désespéré de savoir ce qui s’est passé.

Considéré comme une histoire d’amour épique et un meurtre non résolu, je dirais que ce dernier – à la fois les événements qui l’ont précédé et l’éventuel acte de vengeance – est le véritable coeur de ce récit.
Les sections traitant du Ku Klux Klan sont convaincantes et troublantes. Dwayne, jeune homme bien intentionné, lutte pour trouver sa place dans un monde fortement influencé par son père suprématiste blanc. Dwayne est attiré par le message du Klan, présenté comme une cause juste pour le plus grand bien. Les parallèles avec l’extrémisme moderne et un certain discours politique sont forts, mais Lafaye nous laisse assez d’espace pour faire nos propres liens et jeter nos propres jugements.

Parade du Ku Klux Klan - 1920

Dwayne savait précisément ce que dirait son père : que ce n’était pas naturel, que les affaires étaient du domaine de l’homme, qu’il ne pouvait y avoir d’harmonie dans le monde que si chacun connaissait sa place et s’y tenait.

Le Klan ne hait personne, fils. Il n’incite pas à la haine. Souviens-toi bien de cela car c’est le point essentiel : le bon nègre qui sait rester à sa place et ne cherche pas à s’en éloigner n’a pas meilleur ami que le Klan. Quant aux autres, nous leur évitons la déception de voir leurs ambitions contrariées.

Ce qu’il faut que tu comprennes, fils, c’est que le juif, comme le catholique, est de mèche avec le nègre pour causer la chute de notre nation. La religion juive n’existe que pour accaparer la richesse du monde et le catholique prête serment au pape pour protéger ses intérêts avant ceux de tous les autres.

Ce qu’il faut que tu comprennes, fils, si tu dois nous rejoindre, c’est qu’il y a la loi des hommes, la loi écrite, et puis il y a la loi morale, plus noble que tout ce que l’homme peut concevoir.

Les brumes de Key West, c’est beaucoup plus qu’une histoire d’amour épique. Vanessa Lafaye nous donne un aperçu d’une Amérique turbulente au bord de la prohibition, du retour des troupes revenant de l’horreur des tranchées de la première guerre mondiale, de l’épidémie dévastatrice de la grippe espagnole, de la culture Jim Crow du Sud profond et des attitudes raciales profondément ancrées qui existent encore aujourd’hui.

On s’immerge facilement dans cette histoire à l’atmosphère tropicale et languissante.
Un livre parfait pour cet été qui approche.



Née en Floride, Vanessa Lafaye a commencé sa carrière dans l’édition d’ouvrages académiques à Oxford, avant de se consacrer à l’écriture et au chant. Après Dans la chaleur de l’été (2016 ; Pocket, 2017), Les Brumes de Key West est son second roman publié chez Belfond. Vanessa Lafaye a disparu en février 2018.


LES BRUMES DE KEY WEST  -  Vanessa LAFAYE
BELFOND  -  19/04/2018



samedi 5 mai 2018

LES FANTÔMES DE BELFAST - Stuart NEVILLE


Après avoir lu Silver Water de Haylen Beck, un excellent thriller – que je vous recommande - publié chez Harper Collins en mars de cette année, j’ai eu envie de découvrir un peu mieux cet auteur irlandais, dont le véritable nom est Stuart Neville.

Publié en 2009 en version originale et en 2011 en français, Les fantômes de Belfast nous emmène dans les rues de Belfast quelques mois après la fin de la guerre civile qui mina l’Irlande du Nord trente années durant. La trame de fond n’était pas simple, une guerre civile que l’on a suivie de loin ( de très loin, même, sans vraiment tout comprendre des tenants et aboutissants ), mais Stuart Neville nous rend les choses merveilleusement simples. Le héros ( si l’on peut qualifier ainsi un ex-tueur de l’IRA, qui se chargeait des sales besognes et qui avait pas mal de sang sur les mains !), le héros, donc, Gerry Fegan, à peine sorti de prison, est désoeuvré. La paix étant enfin établie, Gerry Fegan — Gerry pour les intimes — figure de proue des catholiques, admiré et — surtout ? — craint de tous, passe ses soirées à picoler dans un pub. Son obsession ? Les visions qui ne le lâchent pas, ses victimes, véritables spectres que lui seul aperçoit et qui ne cessent de le fixer, sauf après une certaine quantité d’alcool.
« Vengeance » lui hurlent – ils à tue-tête. Le boucher et la femme avec son bébé, fauchés par un attentat, les trois militaires et les deux soldats des forces intérieures, tous massacrés, et les quatre civils, qui s’étaient trouvés au mauvais endroit, au mauvais moment. « Vengeance » lui réclament – ils, mimant du geste le mouvement d’un pistolet. Vengeance, finit – il par se persuader. Vengeance qui, seule, pourra mettre fin à ses cauchemars. Trouver les responsables et les punir pour leurs actes, c’est ce qui va animer Gerry Fegan tout au long de ce roman habilement ficelé, un roman où l’amour n’a guère de place, à l’exception de cette femme, Marie McKenna, et de sa fille, Ellen, qui vont croiser sa route de manière inattendue.



Les Fantômes de Belfast est un roman violent et sanglant où la violence et l’effusion de sang servent réellement un but, plutôt que de simplement essayer de choquer le lecteur. C’est une histoire de vengeance, un thriller politique et un récit de rédemption.
Nous observons ce monde principalement à travers les yeux de Fegan et plus tard à travers ceux de Campbell, un ancien soldat britannique devenu infiltré, qui sont tous deux aussi redondants dans ce monde post-conflit. « S’il y a la paix, si c’est vraiment la fin, alors à quoi allons-nous servir ? ». Comme dit l’auteur : « Après quatre-vingts ans, ce petit pays avait enfin un avenir. Mais Campbell non ».

A l’exception de Fegan, pour lequel nous avons plutôt tendance à éprouver de la sympathie, les portraits des chefs de l’IRA et de ses soldats par l’auteur sont clairs et impitoyables, tandis que les officiels britanniques sont plutôt caricaturaux.
La morale du livre, exprimée par la mère d’un garçon assassiné, est que tôt ou tard, tout le monde paie, même quand la paix est déclarée et même quand les assassins deviennent des politiciens.

Bien qu’il soit en quête de rédemption, Fegan reconnaît qu’il n’a jamais imaginé un autre travail que tuer, mais se considère plus comme un ouvrier qualifié que comme un artisan qualifié. Aussi, pour lui, sa rédemption doit passer par l’élimination des commanditaires. Dans ses descriptions Neville dépeint dans des détails répugnants des scènes de torture et de meurtre infligées par les responsables et leurs acolytes, alors que Fegan agit d’une manière plus directe, plus propre, plus humaine. Qui dit repentir, dit meurtre différent ?

Les fantômes de Belfast, premier roman de Stuart Neville en 2009, est original, captivant et plein de suspense. De quoi me donner l’envie de poursuivre mon immersion irlandaise via sa bibliographie.



LES FANTÔMES DE BELFAST  -  Stuart NEVILLE
RIVAGES/NOIR (format poche)  -  2/10/2013

mardi 1 mai 2018

ON SE REVERRA - Lisa JEWELL


Lisa Jewell, peu connue chez nous, n’en est pas à ses débuts d’écrivain. Son premier livre, Ralph’s Party, est publié en Angleterre en 1998, et presque dix ans plus tard en version française. Depuis, elle en a publié bien d'autres.

On se reverra est sans nul doute celui qui va la hisser au niveau des meilleurs auteurs anglo-saxons de thrillers, car il s’agit d’un fantastique roman de suspense psychologique.

Ce roman tourne autour de trois histoires.

Alice est une mère célibataire. Trois enfants de pères différents, et trois chiens. Un vieux cottage de garde-côtes face à la mer dans un ville côtière imaginaire du Yorkshire, appelée Ridinghouse Bay. Alice est triste, mais adorable, et suscite beaucoup d’empathie. Elle remarque un homme sur la plage, immobile depuis plus de vingt-quatre heures. Elle s’apitoie et lui propose de l’héberger. Il a perdu la mémoire, ne connaît ni son nom, ni comment il est arrivé là.

Lilly est ukrainienne, jeune, belle et naïve, et vient d’épouser Carl Monrose, dix-neuf ans plus âgé qu’elle. Ils habitent la banlieue londonienne. Carl est plutôt du genre discret. Il ne parle pas beaucoup de son passé, ni de sa famille. Un soir il ne rentre pas du travail et ne donne plus aucun signe de vie. Prévenue de sa disparition, la police va établir que Carl Monrose n’existe pas. Son passeport est un faux.

En 1993, comme chaque année, la famille Ross – le père, la mère, Gray 17 ans, Kirsty 15 ans – passe ses vacances dans une location à Ridinghouse Bay. Les ados ont l’âge où les garçons veulent s’affirmer et les filles veulent séduire, où les soirées entre jeunes sont plus amusantes qu’en compagnie des parents.



Le roman s’articule autour de deux composantes majeures : l’histoire et les secrets. Lisa Jewell fait un excellent travail de construction des personnages, sans trop alourdir de descriptions un scénario plutôt dynamique. Elle nous laisse deviner, essayer de comprendre comment ces trois histoires se connectent, tout en nous tenant en haleine par une intrigue dont les éléments sont révélés petit à petit.

Je me suis immergé sans aucune difficulté dans ce roman, en compagnie de personnages tout à fait crédibles, charismatiques ou non, uniques et intrigants.
Je n’ai jamais su à qui faire confiance, qui croire, qui était en danger, ou comment réagir devant cette situation, surtout quand les souvenirs de Franck commencent à refaire surface. Les rebondissements sont profonds, bien cadencés et surprenants, le suspense est tendu, tandis que le côté émotionnel est bien présent.
La lecture se termine par un sentiment de justice qui s’est fait attendre depuis longtemps et par un soulagement palpable.

On se reverra est un excellent thriller psychologique, intelligemment construit, commençant par une intrigue légère qui évolue en quelque chose de beaucoup plus sombre et sinistre.

Une lecture prenante. Une découverte d’une auteur dont j’attends le prochain thriller avec impatience.

On dirait que vous êtes atteint d’un type d’amnésie qui s’appelle la fugue dissociative.

C’est une amnésie qui ne résulte pas d’un choc physique, ni de la consommation de drogues ou d’alcool. C’est un état causé par un traumatisme psychologique. En général, ça arrive quand on voit ou qu’on se souvient d’un élément refoulé. Le cerveau s’éteint complètement pour se protéger. Et les gens font comme vous : ils se retrouvent dans des endroits improbables sans aucune idée de qui ils sont, d’où ils viennent ou de ce qu’ils peuvent bien foutre là. C’est assez fascinant comme truc.



Lisa Jewell avait décidé d'écrire son premier roman à l'âge de cinquante ans. Mais à vingt-sept ans, n'étant plus satisfaite par son travail de secrétaire, elle a commencé à écrire. Paru en 1998, son premier livre fut un véritable succès de librairie. depuis, Lisa Jewell a publié quatorze romans. Elle vit à Londres avec son mari et ses deux filles.

ON SE REVERRA  -  Lisa JEWELL
MILADY  -  18/04/2018