Un
individu mérite-t-il une seconde chance dans la vie, après avoir
commis une faute et en avoir payé le prix à la société, ou
doit-il en subir les conséquences à jamais ?
Nulle
part sur la terre concerne une
quête de rédemption, une
rédemption qui existe à plusieurs niveaux. Se sauve-t-on soi-même
lorsqu’on sauve quelqu’un ? Peut-on changer le passé ?
Que fait-on lorsqu’on ne peut pas dormir la nuit en raison des
erreurs qu’on a commises, des vies qu’on a changées ?
Prend-t-on la main de quelqu’un qui la tend ?
Ce
ne sont que quelques-unes des questions que Michael Farris Smith pose
dans son triste et brillant nouveau roman.
Dans
un coin reculé du Mississippi, Russell Gaines vient de sortir de
prison après avoir purgé une peine de 11 ans d’enfermement. Il a
passé ce temps à réfléchir à beaucoup de choses : l’erreur
qu’il a commise, ceux qui continueront à lui vouloir du mal après
sa libération, la femme qu’il aimait et qu’il a perdue.
Il
est prêt à recommencer sa vie, même s’il sait que ce ne sera pas
chose facile. Et cela il s’en aperçoit rapidement !
Un
comité d’accueil est prêt à en découdre avec lui, estimant
qu’il est loin d’avoir payé sa dette. Russell doit choisir sa
façon de répondre : jusqu’où se laisser pousser avant de
réagir, en sachant très bien que les portes du pénitencier ne sont
jamais tout à fait refermées ?
Pendant
ce temps, une jeune femme nommée Maben marche le long d’une route,
en compagnie de sa jeune fille Annalee, emportant dans un sac
plastique leurs maigres affaires, en quête d’un abri pour se
reposer et avoir un peu de répit. Maben a le sentiment de passer sa
vie à fuir quelque chose et elle ne veut pas exposer sa fille à ses
propres erreurs.
Elle
se laissa glisser le long du mur et s’allongea par terre, la tête
posée sur un bras, et elle se mit à pleurer en silence. Et tandis
que les larmes coulaient, elle revoyait le sachet glisser sous la
porte. Elle revoyait les sales habitudes refuser de l’écouter,
refuser de la laisser tranquille. Refuser de se tenir loin d’elle
mais se rapprocher au contraire, à pas furtifs, jusqu’à
s’immiscer tout contre elle et la petite.
Un
jour, les routes de Russell et Maben vont se croiser. Aucun des deux
ne veut parler de l’autre. Russell sent néanmoins qu’il est de
son devoir de protéger Maben et Annalee, bien qu’il pense qu’elle
lui cache un terrible secret. Quand il le découvre, il est déjà
trop tard pour s’en dépêtrer,
et il doit décider s’il faut prendre la fuite ou accepter ce qui
finira bien par arriver.
C’est
vraiment un livre phénoménal. Je ne connaissais pas cet auteur, et
j’ai pourtant été captivé immédiatement par sa prose, une
prose expressive toute en finesse et en vitalité qui enchaîne le
lecteur insidieusement, par
ses personnages fortement
dessinés qui entrent dans votre conscience en tant que personnes
réelles et authentiques, par
le monde sombre, presque déprimant, qu’il
décrit.
Il
se
dégage de l’écriture
une langueur, un rythme lent et comme un temps suspendu par moments,
dans les gestes des personnages, dans le déroulé de l’histoire,
pas de vitesse. Ce n’est pas un ralenti, mais une lenteur que
j’aime beaucoup…cette scène, quand Russell retrouve son père,
la pêche, le retour et le temps de réadaptation entre père et
fils, la manière qu’ils ont de se ré-apprivoiser.
Michael
Farris Smith fait un merveilleux
travail sur l’humanité de tous les personnages, forçant le
lecteur à éprouver de l’empathie même pour les plus sombres, à
essayer
de trouver un moment de compréhension, même pour les personnes plus
méprisables.
Il
avait passé de nombreuses nuits à réfléchir aux paroles du
prêtre. Le pardon est là si vous le voulez. Peu importe ce que vous
avez fait. Il y avait quelque chose de bizarre là-dedans. Il fallait
bien qu’il y ait un point de non-retour. Des choses qu’on ne
pouvait pas réparer. Il avait côtoyé les pires spécimens
d’humanité et il aurait voulu qu’ils soient punis de leurs
crimes afin de pouvoir se sentir différent d’eux.
Une
lecture exceptionnelle et superbe que je recommande.
NULLE PART SUR LA TERRE - Michael FARRIS SMITH
SONATINE - 24/08/2017