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dimanche 27 août 2017

NULLE PART SUR LA TERRE - Michael FARRIS SMITH

Un individu mérite-t-il une seconde chance dans la vie, après avoir commis une faute et en avoir payé le prix à la société, ou doit-il en subir les conséquences à jamais ?
Nulle part sur la terre concerne une quête de rédemption, une rédemption qui existe à plusieurs niveaux. Se sauve-t-on soi-même lorsqu’on sauve quelqu’un ? Peut-on changer le passé ? Que fait-on lorsqu’on ne peut pas dormir la nuit en raison des erreurs qu’on a commises, des vies qu’on a changées ? Prend-t-on la main de quelqu’un qui la tend ?
Ce ne sont que quelques-unes des questions que Michael Farris Smith pose dans son triste et brillant nouveau roman.

Dans un coin reculé du Mississippi, Russell Gaines vient de sortir de prison après avoir purgé une peine de 11 ans d’enfermement. Il a passé ce temps à réfléchir à beaucoup de choses : l’erreur qu’il a commise, ceux qui continueront à lui vouloir du mal après sa libération, la femme qu’il aimait et qu’il a perdue.
Il est prêt à recommencer sa vie, même s’il sait que ce ne sera pas chose facile. Et cela il s’en aperçoit rapidement !
Un comité d’accueil est prêt à en découdre avec lui, estimant qu’il est loin d’avoir payé sa dette. Russell doit choisir sa façon de répondre : jusqu’où se laisser pousser avant de réagir, en sachant très bien que les portes du pénitencier ne sont jamais tout à fait refermées ?

Pendant ce temps, une jeune femme nommée Maben marche le long d’une route, en compagnie de sa jeune fille Annalee, emportant dans un sac plastique leurs maigres affaires, en quête d’un abri pour se reposer et avoir un peu de répit. Maben a le sentiment de passer sa vie à fuir quelque chose et elle ne veut pas exposer sa fille à ses propres erreurs.

Elle se laissa glisser le long du mur et s’allongea par terre, la tête posée sur un bras, et elle se mit à pleurer en silence. Et tandis que les larmes coulaient, elle revoyait le sachet glisser sous la porte. Elle revoyait les sales habitudes refuser de l’écouter, refuser de la laisser tranquille. Refuser de se tenir loin d’elle mais se rapprocher au contraire, à pas furtifs, jusqu’à s’immiscer tout contre elle et la petite.

Un jour, les routes de Russell et Maben vont se croiser. Aucun des deux ne veut parler de l’autre. Russell sent néanmoins qu’il est de son devoir de protéger Maben et Annalee, bien qu’il pense qu’elle lui cache un terrible secret. Quand il le découvre, il est déjà trop tard pour s’en dépêtrer, et il doit décider s’il faut prendre la fuite ou accepter ce qui finira bien par arriver.

C’est vraiment un livre phénoménal. Je ne connaissais pas cet auteur, et j’ai pourtant été captivé immédiatement par sa prose, une prose expressive toute en finesse et en vitalité qui enchaîne le lecteur insidieusement, par ses personnages fortement dessinés qui entrent dans votre conscience en tant que personnes réelles et authentiques, par le monde sombre, presque déprimant, qu’il décrit.
Il se dégage de l’écriture une langueur, un rythme lent et comme un temps suspendu par moments, dans les gestes des personnages, dans le déroulé de l’histoire, pas de vitesse. Ce n’est pas un ralenti, mais une lenteur que j’aime beaucoup…cette scène, quand Russell retrouve son père, la pêche, le retour et le temps de réadaptation entre père et fils, la manière qu’ils ont de se ré-apprivoiser. 
Michael Farris Smith fait un merveilleux travail sur l’humanité de tous les personnages, forçant le lecteur à éprouver de l’empathie même pour les plus sombres, à essayer de trouver un moment de compréhension, même pour les personnes plus méprisables.

Il avait passé de nombreuses nuits à réfléchir aux paroles du prêtre. Le pardon est là si vous le voulez. Peu importe ce que vous avez fait. Il y avait quelque chose de bizarre là-dedans. Il fallait bien qu’il y ait un point de non-retour. Des choses qu’on ne pouvait pas réparer. Il avait côtoyé les pires spécimens d’humanité et il aurait voulu qu’ils soient punis de leurs crimes afin de pouvoir se sentir différent d’eux.


Une lecture exceptionnelle et superbe que je recommande.


NULLE PART SUR LA TERRE  -  Michael FARRIS SMITH
SONATINE  -  24/08/2017

jeudi 24 août 2017

LE SYMPATHISANT - Viet Thanh Nguyen

Je suis un espion, une taupe, un agent secret, un homme au visage double. Sans surprise, peut-être, je suis aussi un homme à l’esprit double.

Avec ces mots, Viet Thanh Nguyen commence son roman. Deux phrases qui jettent les bases de ce qui se révélera être l’un des principaux thèmes de celui-ci, le conflit intérieur du narrateur.

Le Sympathisant nous parle de la guerre du Vietnam et de ses conséquences, de loyauté, d’identité, et de difficulté à s’adapter à une nouvelle culture et à une réalité.
Né au Vietnam en 1971, l’auteur fuit le pays avec toute sa famille après la chute de Saigon, et rejoint les États-Unis en cargo, comme des milliers de boat people.
Il est très intéressant d’avoir cette vision, ce témoignage du point de vue des Vietnamiens, et bien comprendre les intentions innocentes et idéalisées avec lesquelles les Américains sont entrés dans cette guerre, de même que leurs difficultés à admettre leurs erreurs, leur mauvaise gestion du conflit.

La première partie du roman, concernant la chute de Saigon et la fuite des Américains et des futurs expatriés, est assez prenante. On plonge sans peine dans ce chaos si bien décrit par l’auteur. Ajoutez à cela quelques séquences d’archives visionnées sur YouTube, et vous pouvez imaginer facilement le chaos, le sauve-qui-peut général où chacun, du général à la prostituée, essaie de faire valoir son ayant-droit, son laissez-passer pour fuir le pays.

La seconde partie, plus lente, manque cruellement de suspense et d’action pour réussir à maintenir toute mon attention. On y retrouve les principaux personnages, à Los Angeles, leur terre d’accueil.
Les exilés découvrent leur vie américaine, une vie où la plupart ont perdu tous leurs acquis sociaux et la reconnaissance dont il jouissait chez eux. Quant au personnage principal, il vit sa vie d’agent double, se fondant dans la masse pour passer inaperçu, et rendant compte à son supérieur au Vietnam de tout mouvement suspect ou idéologie de la part des réfugiés pouvant constituer un danger vis-à-vis du pouvoir communiste en place.
Mon manque d’intérêt atteint des sommets avec la réalisation d’un film en Thaïlande dans lequel notre espion est engagé comme consultant par le réalisateur.
Bien qu’étant à deux doigts d’arrêter cette lecture, l’écriture intelligente de l’auteur et cette envie de connaître la suite et la fin des aventures du narrateur me donnent le courage de continuer. Les derniers 20 % du livre sont franchement aussi bons que le début, mais constituent certainement la partie la plus perturbante de l’ouvrage.

La guerre du Vietnam constitue un événement marquant et sensible de l’histoire des États-Unis.
Quarante années ou deux générations plus tard, Viet Than Nguyen apporte une nouvelle approche de celle-ci et avec le recul actuel pose la question du sens de la révolution et de la guerre.

L’attribution du Prix Pulitzer 2016 à ce livre a suscité maints débats, principalement au sein de la société américaine. Le Sympathisant n’en reste pas moins une œuvre complexe, pas toujours facile à lire, mais avec des qualités littéraires indéniables.

Je suis un espion, une taupe, un agent secret, un homme au visage double . Sans surprise, peut-être, je suis aussi un homme à l'esprit double. Bien que certains m'aient traité de la sorte, je n'ai rien d'un mutant incompris, sorti d'une bande dessinée ou d'un film d'horreur. Simplement, je suis capable de voir n'importe quel problème des deux cotés.

 Quand il s'était agi d'apprendre les pires méthodes de nos maîtres français et de leurs successeurs américains, nous étions vite devenus les meilleurs élèves. Nous aussi, nous pouvions violer les nobles idéaux! Après nous être libérés au nom de l'indépendance et de la liberté...nous en avions ensuite privé nos frères vaincus.



LE SYMPATHISANT  -  Viet Thanh NGUYEN
Editions BELFOND  -  17/08/2017

mardi 15 août 2017

SYNDROME DE STOCKHOLM - Philémon LE BELLEGARD

Le milliardaire Enstenov Khalinek est non seulement un financier, un négociant en art, mais il se veut aussi mécène, découvreur de génies. Grâce à son aide financière, il a permis à l’artiste Stendriëk Börgen, un peintre atypique, inclassable, de ne pas apparaître pendant dix ans, de se consacrer exclusivement à son art, de ne rien révéler de son œuvre et de son génie.

Le temps est venu de dévoiler au public l’oeuvre magistrale de l’artiste. Exposées au Titanium Palace, le temple de l’art imaginé par Khalinek, les 3267 toiles du peintre suscitent émotions, interrogations et effrois.
Börgen apparaît comme le plus beau spécimen d’écorché vif, le plus exceptionnel névrosé, un artiste autiste, un magnifique psychotique, un pathétique paranoïaque, un apôtre du délire schizophrénique, une personnalité d’exception, un génie sans commune mesure.
Quant à Khalinek, outre le fait qu’il n’accepte aucune interview, ne se livre jamais à quiconque, il ne possède apparemment pas le vaniteux désir d’être admiré. Autant sa puissance financière, intellectuelle et politique est développée, autant son égocentrisme, son autosatisfaction, son narcissisme sont en apparence atrophiés.

L’intérêt des médias centré au départ sur l’oeuvre de l’artiste, se transforme rapidement et vise plutôt des points de détail de son travail. On n’hésite pas à évoquer le côté malsain et malveillant de ses toiles et à lui demander des explications : se justifier sur la réalisation de portraits de disparus, révéler sa technique picturale, ainsi que la composition de la matière qu’il utilise.

Anna James, journaliste au Times Magazine, va aussi croiser la route de Börgen et de Khalinek. Sa clairvoyance est à l’origine de son enlèvement et de l’obligation qui lui est imposée d’écrire la biographie de l’artiste.

Ces trois personnages que l’on côtoie tout au long du récit ont tous un problème psychologique tant leur comportement paraît dérangeant, anormal, écoeurant. La confiance et la sympathie qu’ils suscitent chez autrui et le sentiment positif développé à l’égard d’autrui expliquent clairement le syndrome de Stockholm évoqué dans le titre du livre.

Doit-on tout accepter au nom de l’Art sous prétexte qu’il n’a aucune limite ? Condamner un artiste peut-il aller de pair avec la reconnaissance de son Art ? Telles sont les questions que l’on est amené à se poser durant cette lecture.

Philémon Le Bellégard signe un thriller psychologique qui ne manque pas d’originalité, tout en délaissant les codes habituels du thriller. Ici il n’est pas question de twists, ni de grosses interrogations. Les personnages sont placés dès le départ, leur rôle connu, et l’addiction naît de l’envie de savoir jusqu’où vont aller l’artiste et le milliardaire pour assouvir la soif de création de l’un et son rôle de mécène pour l’autre. On assiste avec dégoût au fil des chapitres au développement de l’Oeuvre, à la montée en puissance de la folie créatrice d’un personnage, à la fois génie surhumain et monstre déshumanisé, qui devient ingérable.


Une histoire de pacte, de peinture et de passion, au dénouement pitoyable et tragique.

Il y avait également cette relation si particulière avec Enstenov Khalinek, qu'elle commençait à identifier, à nommer relation amoureuse, une sorte de syndrome de Stockholm, doublé d'une attraction sexuelle intense, triplé d'une admiration trouble pour cet homme au passé opaque et au pouvoir immense, quadruplé d'une intelligence et d'un machivélisme fascinants, quintuplé d'une envie d'être protégée et dominée, sextuplé d'elle ne savait trop quoi, septuplé, octuplé, nonuplé, décuplé par l'isolement forcé et le rapprochement inéluctable de deux êtres qui ne demandent qu'à exprimer leurs sentiments, qu'à expulser leurs stress et à s'abandonner, une fois n'est pas coutume, aux plaisirs charnels.




SYNDROME DE STOCKHOLM  -  Philémon LE BELLEGARD
Editeur : LIBRINOVA  -  01/12/2016

jeudi 3 août 2017

JUST MARRIED - Jérôme DUMONT

Thomas ressentit la rencontre avec Alice comme un vrai coup de foudre, à tel point que quatre mois plus tard, ils se marièrent. Il s’était imaginé bien des scénarios pour son voyage de noces au Québec, mais celui en train de se jouer était tout à fait inédit.

Le premier matin, il se retrouve seul au réveil. Alice a disparu sans aucune explication, laissant Thomas désemparé, forcé d’admettre qu’il connaît bien peu de choses de sa femme.
L’analyse de la situation est simple : il est mort d’inquiétude, il n’a aucun indice, et la police ne semble pas décidée à lever le petit doigt pour l’aider.

Avec l’aide de Mathieu, une ancienne connaissance d’Alice vivant à Québec, ils partent à la recherche du plus petit indice qui pourrait aider la police à retrouver sa trace et commencent à mener leur propre enquête. Thomas est convaincu qu’il y a une explication rationnelle au comportement d’Alice et qu’il la retrouvera bientôt. Sans cesse partagé entre espoir, anxiété et nécessité d’agir, il doit garder la tête froide pour progresser dans ce jeu de piste aux multiples rebondissements.

Jérôme Dumont, auteur indépendant, n’en est pas à son premier roman, loin de là !
Just Married en est la preuve, tant on constate une écriture fluide et un style soigné pour une lecture qui se révèle addictive et plaisante. Dès le début du roman on se sent happé par cette aventure haletante, pleine de suspense, digne d’un roman de Harlan Coben.
La personnalité de Thomas, le personnage principal, suscite chez le lecteur énormément d’empathie. C’est un homme profondément bon, amoureux et désespéré, qui, dans la précipitation ne prend pas toujours les bonnes décisions. C’est son côté ordinaire et son malheur qui le rendent attachant, car il est un peu à l’image de monsieur tout le monde.
Même l’officier de police canadien, antipathique au début quand il ne prend pas Thomas au sérieux, devient attachant par la suite quand on le sent disposé à aider Thomas à s’en sortir.

C’est en tout cas avec beaucoup de plaisir que je me suis laissé entraîner dans cette intrigue bien ficelée, angoissé à certains moments, surpris à d’autres par quelques twists inattendus.

Merci Monsieur Jérôme Dumont pour ces quelques heures passées en votre compagnie, à lire vos quelques phrases, et vivre cette aventure.


Site de l'auteur : http://jeromedumont.com/apropos/

JUST MARRIED  -  Jérôme DUMONT  -  19/05/2017