Brad Parks, ancien
reporter au Washington Post et au Star-Ledger (New Jersey), se
consacre depuis 2008 entièrement à l’écriture. Il est le seul
auteur à avoir reçu les prix Shamus, Nero et Lefty, trois des prix
les plus prestigieux aux États-Unis couronnant des romans policiers.
Pas un mot
est son dernier roman, et aussi le premier à être traduit en
français et publié chez nous.
Pas un mot
est un roman ambitieux, troublant et plein de suspense. Il dépeint
une famille américaine face au pire cauchemar que doivent affronter
des parents. Scott et Alison, et leurs jumeaux de 6 ans, Sam et Emma,
vivent à Norfolk, en Virginie, où Scott est juge fédéral, tandis
qu’Alison s’occupe d’enfants handicapés. Ils constituent une
famille aussi heureuse qu’on puisse l’imaginer, habitant une
belle propriété, entourée de bois, avec une terrasse offrant une
vue sur un lac. Mais tout va changer !
En tant que juge
fédéral, Scott s’occupe principalement de poursuites en matière
de brevets. L’affaire qu’il est sur le point de traiter va
décider de la propriété d’un nouveau médicament qui permettra
d’éviter de nombreuses crises cardiaques et fera ainsi gagner des
milliards de dollars à son détenteur. Un jour, après l’école,
Sam et Emma sont kidnappés, et Scott reçoit un message anonyme :
délivrez le verdict que nous voulons ou vous ne reverrez jamais vos
enfants. « Pas un mot », prévient l’appelant. Couper
les doigts fait partie de la menace.
Les parents
horrifiés s’accordent à dire qu’ils ne doivent absolument pas
alerter la police ou le FBI, à cause du risque que les ravisseurs le
découvrent. Scott s’engage même à aller contre ses convictions
en matière de justice, et faire tout ce qui est nécessaire pour
sauver ses enfants.
L’auteur décrit
habilement l’angoisse des parents, quand on ne sait rien et qu’on
imagine le pire, quand on sait que toute l’attention et la
vigilance dont on fait preuve à l’égard de ses enfants, ne sera
certainement pas suivie par des inconnus. Rapidement plongés dans
l’intrigue, l’auteur nous mène par le bout du nez et nous fait
vivre un suspense qui va crescendo. Le doute s’installe rapidement,
en particulier lorsque la surveillante de l’école affirme avoir vu
Emma reprendre ses enfants ce jour-là. Dès lors, au fil des
chapitres, l’auteur va prendre un malin plaisir à insuffler des
détails qui vont faire osciller nos convictions. Scott et Alison
eux-mêmes seront sujets à des accusations injustes et injurieuses
de l’un envers l’autre, mettant à mal leur vie de couple déjà
ébranlée par la situation. Bien que cruels et dangereux, les voyous
qui détiennent les enfants ne sont clairement pas les cerveaux de
l’opération. Alors qui l’est ?
Brad Parks parle
avec beaucoup d’aisance des questions juridiques et des pressions
politiques qui surviennent, d’autant que les décisions discutables
prises par Scott, en tant que juge, risquent de provoquer sa propre
mise en accusation, voire une récusation ou une révocation.
Mais la grande force
du roman est le portrait sensible de l’amour et de la douleur des
parents, la description des émotions qui les envahissent.
La lecture de ce
roman est parfaitement addictive, le lecteur attendant anxieusement
d’apprendre qui est derrière l’enlèvement et quel sort va
s’abattre sur cette famille. Sans rien spoiler, on peut dire que
les dernières pages sont excitantes, surprenantes et profondément
émouvantes, à tel point qu’il n’est pas impossible de verser
quelques larmes.
Une belle réussite !
Regarder ses enfants dormir est vraiment une joie pour un père. Et si je passai un moment à savourer sa sérénité, c’était dans le but d’en absorber un peu moi-même.
Je me rappelai comment, quand nous avions ramené les jumeaux de la maternité à la maison, les premiers jours, Alison et moi nous glissions dans leur chambre pour les regarder respirer. La paranoïa des jeunes parents : nous voulions être sûrs que tout allait bien. Mais je pense que c’était aussi en partie pour admirer le miracle insondable que nous avions créé.
Puis vint ce que je savais être désormais la gamme complète de mon nouveau spectre émotionnel. Le désespoir, suivi d’un sentiment d’impuissance absolu, rapidement remplacé par la rage, puis le chagrin, puis la haine, puis l’angoisse, puis de nouveau la rage, puis …Je suis certain qu’il n’y a pas de mots pour décrire ce que ressent un père à qui l’on inflige le spectacle des sévices subis par son enfant sans pouvoir y mettre fin.
PAS UN MOT - Brad PARKS
Editions MAZARINE - 11/10/2017