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mardi 31 janvier 2017

MARQUÉE A VIE - Emelie Schepp

Jana Berzelius est une jeune et brillante procureure. Elle peut sembler froide et distante à certains, mais elle excelle dans son travail… jusqu’à ce que tout change.
Un haut responsable de l’immigration est trouvé assassiné dans sa maison. Les seules empreintes que l’on retrouve sont celles d’un enfant, alors qu’aucun enfant ne vit dans cette maison.
Rapidement Jana comprend que cette affaire a un rapport avec son passé, un passé dont elle se rappelle à peine et qu’elle ne veut pas voir interférer dans sa vie professionnelle.
Aussi décide-t-elle d’enquêter pour le redécouvrir, prendre les devants sur la police, trouver le meurtrier et ainsi se protéger. Mais dans ce jeu du chat et de la souris, rien ne se passe tout à fait comme on peut s’y attendre.

Sur fond de crise migratoire, Emelie Schepp développe une intrigue au rythme soutenu, dans laquelle l'action prime largement sur le style et les personnages.

Même si l’histoire a un démarrage un peu lent, on en devient vite accro au fur et à mesure de l’avancement de l’enquête. Le roman utilise les codes de toute enquête policière, mais il est unique en ce sens qu’il passe à la vitesse supérieure pendant la seconde moitié du livre, où l’on passe de l’enquête à un thriller avec de nombreux rebondissements et changements de cap. L’intrigue traite d’un trafic d’êtres humains. La procureure Jana Berzelius est le personnage narratif principal, un personnage féminin au caractère fort , avec un lourd passé d'enfant-soldat, mais diablement charismatique. A d’autres moments, le narrateur est un enfant victime de ce réseau. Le passage d’un narrateur à l’autre offre une perspective intéressante, voire choquante quand tout s’assemble.
La lecture est sombre et rapide. Certains personnages susciteront votre sympathie, d’autres l’inverse.
Quant à l épilogue, il se termine avec quelques points d’interrogation, une façon de préparer le terrain pour un affrontement inévitable entre Jana et un second personnage.

Ecrit par Emelie Schepp, une romancière suédoise, Marquée à vie est le premier tome d’une trilogie dont la procureure Jana Berzelius est le personnage principal.
Si vous appréciez les thrillers nordiques, celui-ci n’a rien a envié à ses homologues.



Emelie Schepp appartient à la nouvelle génération d'écrivains nordiques, celle qui  a succédé à des auteurs mondialement connus comme Stieg Larsson. Après avoir emporté un prix d'Art dramatique et travaillé dans la publicité, Schepp fait des débuts très remarqués avec ce roman, 

MARQUÉE A VIE  -  Emelie Schepp
HARPER COLLINS NOIR  -  11/01/2017
HARPER COLLINS Poche  -  01/2018


samedi 14 janvier 2017

CANICULE - Jane Harper

L'enquêteur de la police fédérale, Aaron Falk, revient pour la première fois en vingt ans à Kiewarra, pour les funérailles de son meilleur ami de jeunesse. Ce dernier, Luke Hadler, a tué sa femme et son fils et a ensuite retourné l’arme contre lui. Pourtant, Aaron n’a pas l’intention de rester plus longtemps que les quelques heures nécessaires dans cette ville où il sait ne pas être le bienvenu.

Kiewarra n'a pas beaucoup changé au cours des années. La sécheresse est intense, les agriculteurs sont inquiets et la ville semble mourir peu à peu. Après une tragédie choquante vingt ans auparavant, Falk a été forcé de fuir la région avec son père mais il est évident que les habitants n'ont pas oublié.

Aux funérailles, les parents de Luke prient néanmoins Aaron de faire la lumière sur cette tragédie.
Avec l’aide de l’officier de police local, le sergent Greg Raco, et malgré les menaces et actes d’intimidation qui pèsent sur lui, il commence à enquêter, faisant ressurgir des secrets du passé, et découvrant ainsi que l’accusation de meurtre et de suicide à l’encontre de Luke a peut-être été décidée trop rapidement.

***

Dans cette histoire, Jane Harper mélange habilement deux tragédies, celle du passé dont est accusé Aaron Falk, et celle du présent qui concerne la famille de Luke Hadler, sans que le lecteur ait la moindre difficulté à discerner l’une par rapport à l’autre. Les flash-backs en italique sont faciles à suivre et mettent lentement mais habilement toute l’histoire et le passé en perspective.

Tout aussi intéressante est la description de l’atmosphère de la ville, victime de la sécheresse qui sévit depuis des mois. La déprime liée à cette canicule touche tous les habitants. C’en est presque palpable.

La psychologie des personnages est recherchée. Aaron Falk, le personnage principal, est fascinant, humain, courageux, à peu près aussi confus que les autres, avec des faiblesses et des incertitudes.
Jane Harper prend plaisir à jouer avec nos sentiments. Elle nous fait aimer un personnage et détester un autre, orientant à dessein notre jugement, jugement ensuite remis en question, malmené par les nombreux rebondissements.


Canicule est un formidable premier roman qui a suscité mon intérêt du début à la fin, un roman d’atmosphère, de mystère et de suspense, que je classerais bien aussi dans la catégorie rurale noire, à dévorer sans modération.




Jane Harper a travaillé comme journaliste de presse pendant 13 ans en Australie et au Royaume-Uni.


Canicule, son premier roman, a remporté un prix littéraire pour un manuscrit inédit en 2015. Les droits ont depuis été vendus dans plus de 20 pays et ont été achetés pour un film de Reese Witherspoon et la société de production de Bruna Papandrea, Pacific Standard.


CANICULE  -  Jane Harper
Editions KERO  -  Janvier 2017

mardi 3 janvier 2017

NO HOME - Yaa Gyasi



No Home est une saga qui apporte un regard incroyable et horrible sur l'histoire, le colonialisme et l'esclavage au Ghana et en Amérique, à travers 250 ans. Comment l'auteure a-t-elle réussi à créer de tels personnages, couvrir tant d'histoire, et raconter une histoire aussi complexe, mais convaincante en seulement 300 pages, je ne sais pas.

Ce livre, cependant, est peut-être la saga familiale la plus ambitieuse que j'ai jamais lue. La plupart des livres comme celui-ci couvrent trois générations. No Home en suit sept. Tout commence avec deux demi-sœurs - Effia et Esi - qui ne se connaîtront jamais. La famille de l’une connaîtra l’esclavage en Amérique, celle de l’autre restera au Ghana.

Chaque chapitre nous parle d'un nouveau personnage. D'abord Effia et Essi, puis six de leurs descendants, alors que l'histoire suit les changements culturels au Ghana et en Amérique - à travers le colonialisme, le racisme et les attitudes envers l'esclavage. Grâce aux personnages, nous vivons la vie durant les guerres tribales des années 1700, les horreurs du commerce transatlantique des esclaves, les manières dont les dirigeants proéminents du Ghana ont aidé les esclavagistes britanniques et américains, la peur créée par la Loi des Esclaves Fugitifs en Amérique et bien plus encore.

Quatorze personnages en 300 pages, c’est peut-être beaucoup pensez-vous ? Il n’en est rien. On passe de l’un à l’autre, d’une lignée à l’autre, d’un continent à l’autre, avec aisance, tant Yaa Gyasi est une conteuse hors pair. Elle prend des sujets importants comme l’esclavage et le colonialisme, les pimente avec de parfaites petites conversations et des regards sur la nature humaine. On a de l’empathie pour chaque personnage. La lecture en devient facile et captivante.

« Tous les peuples du continent noir doivent abandonner leur paganisme et se tourner vers Dieu. Soyez reconnaissants que les Britanniques sont ici pour vous montrer comment vivre une vie bonne et morale. »

Nos ancêtres ont peut-être pris part au colonialisme et sont responsables d’actes peu glorieux. Heureusement que nous avons évolué et commencé à embrasser d’autres cultures.

Comme on peut s'y attendre, il y a de quoi être dégoûté dans ce livre. Fidèle à l'histoire, il est plein de sang, de coups de fouet, de langage raciste, de supériorité britannique et d'autres scènes qui vous retournent l’estomac. Cependant, Gyasi manipule avec sensibilité son sujet, en s'assurant que la violence est une représentation honnête de l'histoire, non gratuite.


Une histoire rudimentaire et détaillée sur les effets de longue date de la colonisation de l'Afrique et de la traite négrière. Une vraie réussite !


"Les hommes blancs ont le choix. Ils peuvent choisir leur travail, choisir leur maison. Ils font des bébés noirs, puis ils s'évaporent comme s'ils n'avaient jamais été là, comme si toutes ces femmes noires avec lesquelles ils avaient couché ou qu'ils avaient violées, elles étaient tombées enceintes toutes seules. Les hommes blancs peuvent aussi décider pour les Noirs. Ils les vendaient autrefois ; maintenant ils les envoient juste en prison, comme ils ont fait avec mon papa, et les privent de leurs enfants."
 "Le dieu de l'homme blanc est comme l'homme blanc. Il pense qu'il est le seul dieu, juste comme l'homme blanc pense qu'il est le seul homme. Mais la seule raison pour quoi il est dieu au lieu de Nyame ou Chukwu ou n'importe qui, c'est parce que nous le laissons faire. Nous ne le combattons pas. Nous ne le contestons même pas. L'homme blanc nous a dit que c'était comme ça, et nous avons dit oui, mais quand l'homme blanc nous a-t-il jamais dit qu'une chose était bonne pour nous et que cette chose était vraiment bonne ? Il disent que tu es un sorcier africain, et alors ? Et alors ? Qui leur a dit ce qu'est un sorcier ?"

No Home - Yaa Gyasi
Calmann-Lévy  -  Janvier 2017