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vendredi 26 avril 2019

TANGERINE - Christine MANGAN



Résumé :

Tanger, 1956. Alice Shipley n’y arrive pas.
Cette violence palpable, ces rues surpeuplées, cette chaleur constante  : à croire que la ville la rejette, lui veut du mal.
L’arrivée de son ancienne colocataire, Lucy, transforme son quotidien mortifère. Ses journées ne se résument plus à attendre le retour de son mari, John. Son amie lui donne la force d’affronter la ville, de sortir de son isolement.
Puis advient ce glissement, lent, insidieux. La joie des retrouvailles fait place à une sensation d’étouffement, à la certitude d’être observée. La bienveillance de Lucy, sa propre lucidité, tout semble soudain si fragile... surtout quand John disparaît.
Avec une Tanger envoûtante et sombre comme toile de fond, des personnages obsessionnels apprennent à leurs dépens la définition du mot 
doute.



Mon avis :

Nous sommes en 1956, à Tanger, où Alice Shipley vit avec son mari. Alice a pourtant bien du mal à se familiariser à cette ville grouillante et son atmosphère surchauffée. Pourtant c’est là qu’elle tente d’oublier un horrible incident, survenu en fin du cursus au Bennington College, et qui a changé le cours de sa vie. Mais une visite inattendue de Lucy Mason, sa camarade de chambre à l’université qui a été témoin de l’événement, risque bien de bouleverser cette quiétude. Face à son ancienne amie, Alice est en proie à une profonde incertitude. Peut-elle faire confiance à Lucy ? Celle-ci ne risque-t-elle pas de dévoiler la vérité ?

Les chapitres alternent les points de vue des deux principales protagonistes, qui évoquent chacune à tour de rôle leur passé, leur rencontre, et font allusion à ce fameux incident dont on ignore tout, si ce n’est qu’il est la cause de leur relation troublante et de l’atmosphère hitchcockienne du récit. Bien que le dialogue soit aigu et mordant, c’est le non-dit qui frappe le plus. La tension règne sous la surface et la vérité se cache entre les lignes.

Malheureusement, l’autrice joue aussi peu avec les tensions qu’un chat obèse avec sa souris. Le récit souffre d’apathie et les personnages manquent d’empathie.

La perspective narrative est tout aussi frustrante. Les chapitres alternent entre la perspective à la première personne d’Alice et de Lucy. Bien que les deux femmes soient très différentes – Alice calme et tremblante, Lucy rusée et indépendante – rien ne distingue leur voix narrative l’une de l’autre. A plusieurs reprises je me suis demandé qui était la narratrice du chapitre en cours de lecture.

Un bandeau accrocheur semble établir un parallèle entre Tangerine et les livres de Gillian Flynn. Pour moi la comparaison est tout simplement risible. Ce livre ne reflète en aucune manière la tension à bout de souffle et les intrigues habilement tissées trouvées dans les romans de Gillian Flynn.

Heureusement un certain élan est retrouvé dans le dernier quart du livre, pour mener les lecteurs à une conclusion qui séduira les uns et irritera les autres.




Christine Mangan est diplômée de l’University College de Dublin, où elle a rédigé une thèse sur la littérature gothique du xviiie siècle, et de l’Université du Sud du Maine, où elle a suivi un Master d’écriture. Tangerine est son premier roman.


TANGERINE  -  Christine MANGAN

HARPER COLLINS  -  02/05/2019

mercredi 24 avril 2019

NOVEMBER ROAD - Lou BERNEY



Quatrième de couverture :
Sur une route perdue de l’Ouest américain, un homme roule à tombeau ouvert.
Cet homme, c’est Frank Guidry. À ses trousses, un tueur à gages mandaté par le mafieux Carlos Marcello, qui veut se débarrasser d’un témoin indésirable dans le crime du siècle : l’assassinat de JFK.
Guidry sait que la première règle, quand on est en cavale, est de ne pas s’arrêter. Et que la seconde est de ne compter que sur soi-même. Pourtant, lorsqu’il aperçoit, au bord de la route, une femme avec une voiture en panne, deux petites filles et un chien sur la banquette arrière, il y voit une proie facile. Et la couverture qui lui permettra de leurrer l’homme qui le traque.
Alors, Guidry prend le risque.
Il s’arrête.

Qu’en penser ?
L’histoire se déroule en novembre 1963, dans les jours qui ont suivi l’assassinat de John F. Kennedy. L’un des deux principaux protagonistes est Frank Guidry, bien connu parmi la société de La Nouvelle-Orléans, et lieutenant du mafieux Carlos Marcello. Quelques semaines avant l’assassinat, Guidry exécuta ce qui semblait être à l’époque un service plutôt inconséquent pour Marcello. Mais au moment où Guidry apprend la mort de JFK à Dallas, il se rend compte que la tâche qu’il a accomplie était tout sauf insignifiante.

Connaissant Marcello, et sachant que toute personne pouvant être mêlée de près ou de loin à cet assassinat risque fort d’être éliminée, Guidry décide de prendre la fuite. Il espère pouvoir se faire aider par un vieil ami à Las Vegas, mais sait très bien que le défi est de taille, tant Marcello a des yeux et des oreilles dans tout le pays.

La deuxième protagoniste du livre est Charlotte Roy, femme au foyer et mère de deux filles, habitant dans un bled paumé de l’Oklahoma. Charlotte en a marre d’être enfermée, de cette vie terne, et de son mari alcoolique. Elle a envie de vivre dans un endroit où il n’est pas difficile de faire la différence entre le passé et le futur.
Ainsi, pratiquement sur un coup de tête, décide-t-elle de faire ses bagages et d’emmener ses filles et le chien pour commencer une nouvelle vie en Californie.
Leur chemin va croiser celui de Frank. N’est-ce pas pour lui la meilleure façon de passer inaperçu, dans la peau d’un père de famille, tandis qu’un tueur à gages est à la recherche d’un loup solitaire ?

Lou Berney réussit l’exploit d’immerger le lecteur au début des années soixante. Les attitudes et l’atmosphère se ressentent parfaitement bien. Les descriptions des petites villes mythiques et typiques du sud des Etats-Unis sont remarquables.
C’est un roman absolument superbe, fin, subtil. L’histoire vous saisit dès la page d’accueil et refuse ensuite de vous laisser partir. Tout l’intérêt du roman tient dans la finesse psychologique de l’analyse des relations entre les personnages.
C’est à la fois un polar, un road-trip, et l’histoire de cette relation incroyable et complexe entre Charlotte et Frank, un mafieux qui finit par susciter tellement d’empathie, des personnages tellement attachants qu’on n’est pas près de les oublier.



Lou Berney vit dans l'Oklahoma. Il est l'auteur de cinq romans, dont le dernier, November Road, est le premier traduit en français.

NOVEMBER ROAD  -  Lou BERNEY
HARPER COLLINS  -  06/02/2019





samedi 20 avril 2019

L'ART DE PERDRE - Alice ZENITER


Quatrième de couverture :

L’Algérie dont est originaire sa famille n’a longtemps été pour Naïma qu’une toile de fond sans grand intérêt. Pourtant, dans une société française traversée par les questions identitaires, tout semble vouloir la renvoyer à ses origines. Mais quel lien pourrait-elle avoir avec une histoire familiale qui jamais ne lui a été racontée ?
Son grand-père Ali, un montagnard kabyle, est mort avant qu’elle ait pu lui demander pourquoi l’Histoire avait fait de lui un « harki ». Yema, sa grand-mère, pourrait peut-être répondre mais pas dans une langue que Naïma comprenne. Quant à Hamid, son père, arrivé en France à l’été 1962 dans les camps de transit hâtivement mis en place, il ne parle plus de l’Algérie de son enfance. Comment faire ressurgir un pays du silence ?
Dans une fresque romanesque puissante et audacieuse, Alice Zeniter raconte le destin, entre la France et l’Algérie, des générations successives d’une famille prisonnière d’un passé tenace. Mais ce livre est aussi un grand roman sur la liberté d’être soi, au-delà des héritages et des injonctions intimes ou sociales.


Avis :

L’art de perdre est un roman dont on a beaucoup parlé en 2017, une saga familiale foisonnante qui débute dans l’Algérie des années 30.
Dans la première partie, nous rencontrons Ali qui, dans sa Kabilie natale, semble promis à un avenir bouché à se casser le dos à essayer de cultiver une terre rocailleuse jusqu’à ce qu’un jour, comme un cadeau du ciel, un pressoir charrié par la rivière croise sa route, manquant de peu de l’estropier.
Dès lors, sa vie se transforme, Ali se lance dans la culture des oliviers et produit de l’huile, les affaires sont florissantes.
Mais ce que l’on appelle pudiquement « les évènements » sont en marche et le destin de bien des hommes et celui d’Ali devenu Harki va basculer, jusqu’à ce qu’un bateau l’emmène sous d’autres cieux.
Dans la deuxième partie, Ali essaie de survivre avec sa famille dans un camp à Rivesaltes et Hamid, son fils va poser des questions qui resteront sans réponse. le père à jamais blessé, garde le silence. Un fossé d’incompréhension va se creuser peu à peu.
Naïma, la petite fille d’Ali, vit heureuse à Paris, jusqu’à ce que les attentats de 2015, l’obligent à se poser des questions sur le passé de sa famille dont elle ignore tout.
Il y a beaucoup d’émotion et d’amour dans ce livre, même si les sentiments restent muets, faute de mots pour dire je t’aime ou je te comprends.
Ce roman poignant évoque avec subtilité et émotion les destins brisés par l’Histoire et l’irrationalité des hommes, les séquelles de la colonisation, l’exil, le déracinement, le lourd poids de l’héritage familial mais aussi la force de l’amour filial.
La plume d’Alice Zeniter est élégante, tout à tour musicale et brutale. Le livre habite longtemps le lecteur avec des personnages qui au fil des pages deviennent des compagnons de route pour lesquels on a de la tendresse, qui vous font vibrer par leurs souffrances, leurs amours, leurs vies.






Alice Zeniter, née en 1986 à Clamart, dans les Hauts-de-Seine, est une romancièretraductricescénaristedramaturge et metteur en scène de théâtre française. Elle obtient le Prix Goncourt des lycéens 2017 avec son quatrième roman L'Art de Perdre.



L'ART DE PERDRE  -  Alice ZENITER

Coédition Flammarion/Albin Michel  16/08/2017

Format Poche - J'ai lu - 30/01/2019