Rechercher dans ce blog

jeudi 29 décembre 2016

HORTENSE - Jacques Expert

1993 : Sophie Delalande est folle d’amour pour sa fille Hortense, presque trois ans, qu’elle élève seule. Celle-ci lui permet d’oublier les rapports difficiles qu’elle entretient avec le père de cette dernière, Sylvain, un homme violent qui l’a abandonnée alors qu’elle était enceinte et à qui elle refuse le droit de visite. Un jour, pourtant, Sylvain fait irruption chez elle et lui enlève Hortense. « Regarde-la. Nous allons disparaître et tu ne la reverras plus. »
2015 : après des années de recherches vaines, Sophie ne s’est jamais remise de la disparition d’Hortense. Fonctionnaire au ministère de l’Éducation, elle mène une existence morne et très solitaire. Jusqu’au soir où une jeune femme blonde la bouscule dans la rue. Sophie en est sûre, c’est sa fille, c’est Hortense. Elle la suit, l’observe sans relâche. Sans rien lui dire de leur lien de parenté, elle sympathise avec la jeune femme, prénommée Emmanuelle, tente d’en savoir plus sur elle. La relation qui se noue alors va vite devenir l’objet de bien des mystères. Sophie ne serait-elle pas la proie d’un délire psychotique qui lui fait prendre cette inconnue pour sa fille ? Et la jeune femme est-elle aussi innocente qu'elle le paraît ? 


Hortense est le premier livre de Jacques Expert que je lis.
Quel plaisir ! Quelle claque ! Quel suspense !
On plonge dans l’histoire dès les premières pages, et on dévore le livre jusqu’à la toute dernière.
L’auteur sait rendre à la perfection les sentiments de la pauvre Sophie.  On peut difficilement rester de marbre face à cette mère éplorée. Quelquefois, elle semble bien exagérer un peu, ou réagir de manière impulsive, mais rien de plus normal dans une telle situation. Aussi, quand elle décide de rencontrer Hortense, on espère que tout va bien se passer, mais on ne peut s'empêcher de se dire parfois « Non, il ne faut pas faire comme ça, il faudrait lui dire ça et ça, tu vas lui faire peur là ! »
L’écriture de Jacques Expert est très addictive, car elle mélange plusieurs genres, ce qui donne un certain rythme au récit. À peine un chapitre terminé, on brûle donc d’envie de commencer le suivant, etc. En effet, des extraits d’interrogatoires menés par la police parsèment le livre, laissant planer le doute sur la réelle identité d’Emmanuelle, et laissant deviner qu’un véritable drame s’est joué en 2015, année de narration des faits. Est-elle vraiment Hortense, la fille de Sophie ?
Et je ne vous raconte pas la chute ! Tellement belle, tellement inattendue !
Hortense est selon moi un bon thriller psychologique, qui se lit rapidement et qui ne laisse pas insensible. L'auteur sait vraiment bien transmettre les sentiments et émotions. 


mercredi 28 décembre 2016

DES GARÇONS BIEN ÉLEVÉS - Tony Parsons

L’auteur anglais Tony Parsons n’en est pas à son premier livre. Par contre, il s’agit de sa première incursion dans le genre policier-thriller, et bien lui en a pris !
En 1988, une jeune femme est violée par sept jeunes tortionnaires.
Vingt ans plus tard, sept anciens étudiants de la prestigieuse école privée britannique Potter's Field se font égorger les uns après les autres…
Max Wolfe,
inspecteur de police affecté au service des homicides, va mener l’enquête et tenter de découvrir qui est le justicier. L’intrigue, assez classique, reste toutefois prenante : une affaire de vengeance terrifiante qui nous entraîne des bas-fonds aux hautes sphères de la société londonienne. On y découvre notamment que Potter’s Field, fondée par Henri VIII, attire la jeunesse issue de la classe huppée britannique, mais ne fait pas honneur à la perfide Albion. Sous couvert d’éducation militaire, on y enseigne la soumission, la violence, l’humiliation. Un beau jour, tout dérape ! Comme quoi, des garçons bien élevés peuvent être des porcs ! Il reste à découvrir qui est susceptible de mener une telle vengeance. Il faudra pourtant attendre la fin du livre pour aller de surprise en surprise jusqu’à la divulgation finale de l’intrigue.
Le style, vif et soutenu, rend la lecture agréable. Max Wolfe est un flic avec des faiblesses et des problèmes personnels, ce qui le rend d’autant plus attachant. Séparé de sa femme, il vit avec Scout, sa fille de 5 ans, et Stan, un chien cavalier King Charles adorable. Les passages plus familiaux permettent une pause détente avant de replonger de plus belle le lecteur dans l’intrigue.

J’émets donc un avis positif pour un auteur dont je lirai certainement les prochains ouvrages.
La force de tes coups n'a pas d'importance. Ce qui compte, c'est la force des coups que tu es capable d'encaisser tout en continuant à te battre.
 Ils vous cassent et, après, ils vous reconstruisent. Voilà ce qu'ils font, dans ces vieilles écoles anglaises si réputées. C'est ça que vos parents paient si cher. Ils vous démolissent morceau par morceau puis ils vous refaçonnent à leur image . Ils prennent des petits garçons craintifs et ils en font des capitaines d'industrie, des décideurs, des Premiers ministres...

Tony Parsons - Des garçons bien élevés
Editions de la Martinière 10/2015
Points Policier 10/2016


mercredi 21 décembre 2016

LA SONATE OUBLIÉE - Christiana Moreau

A 17 ans Lionella, d'origine italienne, ne vit que pour le violoncelle, ce qui la distingue des autres adolescents de Seraing, la petit ville où elle habite en Belgique. Elle peine toutefois à trouver le morceau qui la démarquerait au prochain grand concours Arpèges. Jusqu'au jour où son meilleur ami lui apporte un coffret en métal, déniché dans une brocante. Lionella y découvre un journal intime, une médaille coupée et... une partition pour violoncelle qui ressemble étrangement à une sonate de Vivaldi. Elle plonge alors dans le destin d'Ada, jeune orpheline du XVIIIe siècle, pensionnaire de l'Ospedale della Pietà, à Venise, dans lequel "le prêtre roux", Antonio Vivaldi, enseignait la musique à ces âmes dévouées.

Pour son premier roman, Christiana Moreau nous raconte une histoire passionnante avec des personnages attachants. L’alternance des lieux et des époques est parfaitement limpide et ne nuit absolument pas à la compréhension. Le début du livre se passe à Seraing, une ville dont l’auteur nous parle du déclin de la sidérurgie et de la renaissance urbaine actuelle, une ville que je connais puisque j’habite aussi en périphérie liégeoise.
Lionella et Kevin, Sérésiens d’origine, ne semblent pas accepter ces conditions de vie, ne se comportent pas comme les autres jeunes de leur âge. Lionella n’a d’yeux que pour la musique, le violoncelle en particulier. Kevin n’a d’yeux que pour Lionella. Tandis qu’elle peine à trouver une partition originale pour un concours musical, Kevin apporte à Lionella un coffret trouvé dans une brocante et contenant une partition et un journal intime.

Vautrée sur son lit, Lionella s’appliquait à déchiffrer le cahier d’Ada…. Et très vite elle fut happée par son histoire, incapable de refermer le recueil de souvenirs dont elle tournait les pages avec l’impression de partager le même envoûtement pour la musique et le violoncelle. Fascinée, elle était entrée de plain-pied dans sa vie, dans un autre siècle, un autre lieu. Elles étaient unies par une passion commune.


Ce journal est celui d’Ada, jeune fille abandonnée à la naissance, élevée au sein d’un ospedale vénitien, à la fois orphelinat et conservatoire de musique. Antonio Vivaldi y fut l’un des professeurs les plus célèbres.
Grâce aux chapitres consacrés à ce journal intime, on se laisse transporter avec délectation dans la Venise du 18e siècle, cette Venise où vit Ada pour laquelle on a tant d’empathie. On côtoie Antonio Vivaldi qui nous enchante par sa musique. On découvre les secrets des luthiers, la fabrication des masques, la vie des jeunes filles au sein des ospedali, …

Cette lecture a donc été pour moi une agréable surprise. Seul petit bémol : l’histoire ne nous dit pas comment ce coffret est arrivé à Liège, mais en ayant pris connaissance d’un détail dévoilé en fin d’histoire, peut-être peut-on alors l’imaginer.


Christiana Moreau - La sonate oubliée.
Préludes - 01/2017


dimanche 18 décembre 2016

L'AUTRE FILS - Nick Alexander

Alice et Ken pourraient être des grands-parents comblés. Ils ont deux fils, Tim et Matt, et deux petits-enfants. A ce moment de l’existence, où l’on est supposé profiter d’une retraite bien méritée et prendre le temps de vivre, Alice fait le point. Durant toute sa vie elle a dû faire face à un mari colérique, bipolaire, misogyne violent, supporter les coups, calmer ses humeurs excessives, faire bonne figure en société.
Tim a probablement hérité du caractère battant de son père. Il a un excellent travail, une bonne situation financière qui lui permet de mener une existence confortable, à l’abri de tout souci matériel, laissant à Natalya, son épouse, une liberté financière et une reconnaissance sociale qu’elle apprécie.
A l’inverse, Matt a choisi de s’expatrier. Sa conception du bonheur est à l’opposé de celle de Tim. Il s’est installé dans le sud de la France, où il mène une existence plutôt frugale, un mode de vie parfaitement assumé, loin de toutes contraintes extérieures.
Pour faire le point sur sa vie, Alice suit les conseils de son amie, Dot. Elle quitte son mari et part rejoindre son autre fils, Matt. C’est l’occasion de remettre en question ses principes et de corriger les erreurs du passé.

Avec un thème sous-jacent sérieux, L’autre fils est un roman délicieux, touchant à bien des égards.
J’ai particulièrement aimé la manière d’introduire les personnages. Avec une psychologie recherchée et une personnalité complexe, ils deviennent attachants. C’est un peu comme si on les connaissait personnellement, comme si on se retrouvait en partie en eux. La belle-mère fouineuse en Alice, la belle-fille ingrate en Natalya, … Nous connaissons tous un Tim, un Matt, ou un Ken quelque part. Malgré tous leurs défauts, on ne peut qu’avoir de l’empathie pour chacun des personnages, sauf peut-être Ken, précisément à cause de leurs fautes (nous sommes tous humains après tout), et parce que nous voyons leur détermination à corriger les erreurs du passé.


Si elle n'y arrive toujours pas, elle n'a qu'à le quitter. Je ne peux rien faire pour elle. Elle connaît la chanson. C'est leur mode de fonctionnement, après tout. C'est presque du sadomasochisme, je t'assure. Si ça ne lui plaisait pas, elle serait partie depuis longtemps. Il faut savoir s'éloigner de la folie des autres, à un moment donné. J'aurai au moins appris ça en thérapie. Tu n'es pas obligé de tout supporter à leur place. Même quand il s'agit de tes parents.


L'autre fils - Nick Alexander
AmazonCrossing -  Décembre 2016














lundi 12 décembre 2016

PLAY - Franck Parisot

Un serial-killer sévit sur New York. Sur chaque scène de crime, la police retrouve une clé usb contenant un message qui leur est adressé. Le point commun entre les victimes : toutes aimaient exposer leur vie sur internet... Les inspecteurs Brigde, Alves et Morgans se mettent à la recherche de celui qu'ils nomment " le cyclope ", en raison de la caméra frontale qu'il utilise pour filmer le calvaire qu'il fait endurer à ses victimes avant de les mettre à mort.
Mais le tueur les observe... Un grand thriller qui en maîtrise tous les codes et rivalise d'ingéniosité avec ceux des maîtres du genre. 


Franck Parisot est un nouveau venu en littérature et on peut penser que s'il a signé chez Albin Michel, c'est que son livre est bon. Et il l'est ! On y trouve tous les ingrédients qui font un bon thriller : un tueur de la pire espèce, des enquêteurs prêts à tout pour l'arrêter, quitte à se mettre en danger, des rebondissements et des fausses pistes. Tout ça à New York.

Les meurtres sont particulièrement sanglants et font frémir d’horreur. Les descriptions, celles de la première scène de crime par exemple, sont tellement précises qu’on arrive même à imaginer les particules de chair qui collent  à la glace de la patinoire.

L’intrigue est captivante jusqu’à la dernière page. Je n’ai pas trouvé le coupable, et j’en étais même très loin. Le lien qui relie le criminel à Bridge n’apparaît qu’à la fin, tout comme les « motivations » du tueur. Sa relation à l’image un peu particulière est intrigante, on se demande dans quel but il fait tout cela. Tout prend sens au final, bien qu’il faille être aussi fou que le meurtrier pour tout saisir.


Un thriller très prenant, mais âme sensible s’abstenir !

Play - Franck Parisot
Albin Michel - 02/2014
Livre de poche - 06/2016

mardi 6 décembre 2016

YAAK VALLEY, MONTANA - Smith Henderson

Le protagoniste de ce roman est Pete Snow, assistant social dans une petite ville rurale du Montana, au début des années 80.
La propre vie de Peter est un peu plus reluisante que celle des gens dont il s’occupe. C’est un homme bon, bien intentionné, parfois suicidaire, et manquant de temps en temps de bon sens. Il est aussi un père ivre et absent de l’éducation de sa fille adolescente. C’est son épouse dont il est séparé qui en a la garde, une femme triste et désespérée qui ne se montre pas à la hauteur pour gérer au mieux son éducation, celle d’une jeune fille vulnérable, à l’éclosion de sa sexualité. Au lieu de se concentrer sur son propre enfant, Peter passe tout son temps parcourant le Montana rural, essayant de sauver des enfants sauvages qui vivent avec des parents abusifs et dépassés, des gens qui luttent avec la drogue et l’alcool, des gens pauvres dans des villes peu peuplées, des endroits où personne ne se rend et d’où personne ne s’échappe.

Tôt dans le roman, Peter rencontre un jeune garçon qui émerge des bois et erre dans la cour d’une école. Il est mal habillé, sous-alimenté. Il vit dans la forêt et la montagne avec sa famille. Peter décide de ramener Benjamin à sa famille. Ainsi commence une saga qui se développe en une spirale hors de contrôle, et qui va amener Peter au bord de la catastrophe. Les parents sont des séparatistes et fondamentalistes religieux, qui considèrent le gouvernement comme leur ennemi. Leurs croyances vont les mener à la tragédie.

Se greffent là-dessus d’autres personnages marquants pour créer un portrait au vitriol des USA des oubliés, des coins reculés, par les souffrances subies par les enfants. Drogue, prostitution, alcool, maltraitances, manquements voire absence d’éducation, cécité de la police et des services sociaux, tout y passe en une macabre parade et Pete s’emploie avec les moyens qui lui sont alloués et sa grandeur d’âme à donner un semblant d’humanité à un univers qui n’en a plus pour ces mômes sacrifiés sur l’autel de la connerie de leurs parents.
Cecil s'imaginait le genre d'endroits d'où venaient ces gamins - des milieux qui lui semblaient bien pires que sa pauvre petite famille détraquée -, et il sentait alors un vague sentiment de pitié l'envahir, mais nom de Dieu, ras le bol de les entendre chouiner. On aurait dit qu'ils ne pouvaient pas s'empêcher de se transformer eux-mêmes en objets de haine, en aimants à cruauté. Il se demanda si la maltraitance était une chose qui n'arrivait qu'aux gamins irritants, ceux qui n'inspiraient que violence et rejet, à l'inverse des gamins adorables qu'on dorlote, qu'on gâte et qu'on engraisse.
Inspiré par sa propre expérience de travailleur social, Smith Henderson dessine avec précision une topographie humaine vulnérable et brutale. On y perçoit aussi  la démesure des paysages splendides du Montana, une nature sauvage qui favorise l’isolement et  qui peut se révéler oppressante et hostile pour ceux qui doivent y survivre. Un imposant tableau expressionniste éclairé par la richesse et la puissance de l’écriture de Smith Henderson, que la critique a rapprochée d’emblée de celle de ses grands aînés, parmi lesquels Cormac McCarthy, Peter Heller ou Jim Harrison.




Né en 1973 à Missoula, Montana, Smith Henderson a grandi au sein d’une famille de cow-boys et fermiers. Après des études de lettres classiques, il devient éducateur spécialisé puis se dirige vers la publicité. Yaak Valley, Montana est son premier livre. Salué par la critique, finaliste du PEN Center USA Award, ainsi que de très nombreux prix littéraires aux Etats-Unis  et en Europe, notamment l’International DUBLIN Literary Award et le Folio Prize, Yaak Valley, Montana a été couronné par le John Creasy (New Blood) Dagger Award et le Montana Book Award. Smith Henderson vit désormais à Los Angeles.


Yaak Valley, Montana - Smith Henderson
Belfond, août 2016