Rechercher dans ce blog

dimanche 26 août 2018

LE SUPPLÉMENT D’ÂME - Matthieu BIASOTTO


Quatrième de couverture :

Et si on avait droit à une seconde chance ?

Victime d'un accident de moto, Thomas Garnier est à l'hôpital sous assistance respiratoire, dans un coma si profond que les médecins envisagent de le débrancher. En réalité, il est coincé entre la vie et la mort dans le « supplément d'âme », en compagnie d'un étrange gamin. Il a une chance de revenir du côté des vivants, à condition de comprendre ses erreurs.
De révélation en électrochoc, Thomas recompose la trajectoire de son existence avant qu'il ne soit trop tard. Entre déni et prise de conscience, une seule question le hante : saura-t-il encaisser la vérité ?

Mon avis :

Dès les premières phrases Matthieu Biasotto nous happe et ne nous lâche plus. Témoin bien involontaire d’un accident de la route, on devient le confident de Thomas, ou devrais-je dire de son âme puisque Thomas est dans le coma. Dans le subconscient du cabossé inconscient qu’il est devenu, deux personnages se cotoient : Le Thomas ignorant qui n’a pas conscience du désastre de sa vie et celui qui sait, l’enfant intérieur qu’il a abandonné, lui-même à une douzaine d’années, surnommé Tomato Ketchup car il avait l’habitude de mettre du ketchup sur tous ses aliments.

Au fil des années Thomas est devenu un personnage arrogant, arriviste, focalisé sur sa carrière et sa trésorerie. Il a ce besoin d’écraser ses adversaires et tout contrôler, n’hésitant pas à se vautrer dans la débauche sciemment, froidement, pour sa carrière.
Petit à petit, le petit TK va lui faire prendre conscience de son comportement, de ses erreurs, et lui ouvrir les yeux sur toute la souffrance qu’il est en train d’infliger à ses proches, sa famille, sa femme Olga, son fils Maël.

De ignoble et détesté, Thomas devient au fur et à mesure de ses prises de conscience et de ses regrets un personnage qui suscite de l’empathie. Son fils, Maël, est criant de vérité et d’émotion dans ses tentatives d’accaparer l’attention de son père, et dans son refus d’admettre une fin qui s’annonce bien inéluctable.

Reste les nombreuses questions en suspens autour de son accident de moto, questions que Thomas se posent, suscitant par la même occasion l’intérêt du lecteur. S’agit-il d’un suicide, d’un éventuel complot ou d’un sabotage. Qui aurait pu vouloir sa mort ?

Supplément d’âme est un thriller initiatique, un genre où le suspense, la tension et le mystère interrogent par petites touches nos émotions, nos peurs et nos choix. A la lecture de ce récit, on ne peut s’empêcher de se questionner sur son passé, réfléchir à notre conduite, à nos choix, tirer les leçons d’un passé pour améliorer notre avenir.
Le style accessible de Matthieu Biasotto, fluide et agréable, parfois rude mais toujours sensible, met à la portée de tous la question du bonheur et de la réalisation de soi.

Un merveilleux moment de lecture.




LE SUPPLÉMENT D’ÂME  -  Matthieu BIASOTTO
AUTO-EDITION : 2015
FORMAT POCHE  -  BRAGELONNE  -  08/2018

jeudi 23 août 2018

THE GIFT - Louise JENSEN


Quatrième de couverture :

À trente ans, Jenna reçoit un nouveau cœur et voit sa vie entièrement chamboulée. L’opération l’a sauvée, mais marque le début d’une longue descente aux enfers  : cauchemars, paranoïa, impression d’insécurité. Est-elle victime d’un syndrome post-traumatique  ? Ou un lien s’est-il noué avec sa donneuse, Callie, la forçant à vivre des souvenirs qui ne sont pas les siens  ?
C’est ce que Jenna est déterminée à découvrir. Malgré les avertissements de ses proches, elle prend contact avec la famille de Callie. Qui était-elle  ? Est-elle vraiment morte dans un accident  ? Jenna est convaincue qu’on lui cache quelque chose, mais enquêter risque de tout lui coûter  : ses amis, sa santé mentale et même sa propre vie…

Mon avis :

Dans ce livre, l’auteur se base sur une affirmation de certains professionnels de la santé à propos d’une mémoire cellulaire. Ceux-ci affirment que certains patients qui ont bénéficié d’une transplantation d’organes – le coeur en particulier – peuvent acquérir les traits ou ressentir les sentiments et les souvenirs de la personne dont ils ont reçu les organes.
Louise Jensen incorpore ce phénomène dans un thriller psychologique où il est question de chantages, secrets de famille, mensonges, tromperies, …

Bien que la lecture soit rendue fluide et dynamique par des chapitres courts, ce qu’il faut d’action et de suspense, je dois bien avouer que je ne suis jamais parvenu à rentrer complètement dans ce roman. Je ressentais bien une réelle compréhension des motivations de Jenna et sa fixation croissante sur sa donneuse, mais j’étais plutôt consterné que Callie soit décrite comme un peu trop belle pour être vraie. De même, malgré l’intention de l’auteur de nous pousser à suspecter Nathan, le fiancé de Callie, lui aussi restait fade et plutôt oubliable. Les autres personnages ne suscitaient pas plus d’empathie. La tension et le suspense ne parvenaient pas à décoller malgré que de nouvelles vérités fussent exposées. Et je me demandais finalement si je n’allais pas passé à autre chose. Mon intérêt pour le livre ne tenait qu’à une chose : quelles sont les raisons de la mort de Callie ? , et que veut-elle faire comprendre à Jenna ?

Une des clés de la réussite d’un récit tient à la crédibilité de l’histoire. Louise Jensen traite d’un sujet qui semble plutôt controversé. Si cette théorie de la mémoire cellulaire a de plus en plus d’adeptes parmi les férus de thérapies parallèles, elle n’a par contre aucun fondement scientifique et les vrais médecins n’y croient pas un instant. Certes chacun est libre de croire en ce qu’il veut. Personnellement je n’y crois pas , et c’est sans doute aussi la raison pour laquelle je n’ai pas adhéré à l’histoire.

A côté de cette théorie, Louise Jensen soulève toutefois des questions éthiques fondamentales que l’on est en droit de se poser à propos des transplantations d’organes.
Un receveur peut-il avoir accès au dossier médical ou à l’identité du donneur ? Cela ne risquerait-il pas justement, suite à la connaissance de certaines informations liées au passé du donneur, d’avoir un impact sur la santé mentale du receveur, compte tenu aussi de son état émotionnel exacerbé et des effets secondaires possibles des puissants immunosuppresseurs qui font partie du traitement de longue durée.

The Gift reste une lecture engageante, moins émotive et passionnante que ce à quoi je m’attendais, pour autant que vous soyez prêt à admettre une proposition qui reste fort discutable.


THE GIFT  -  Louise JENSEN
BMR  -  20/07/2018


jeudi 9 août 2018

LE DIABLE TOUT LE TEMPS - Donald Ray POLLOCK


Résumé éditeur :

Dès les premières lignes, Donald Ray Pollock nous entraîne dans une odyssée inoubliable, dont on ne sort pas indemne.

De l'Ohio à la Virginie-Occidentale, de la fin de la Seconde Guerre mondiale aux années 60, les destins de plusieurs personnages se mêlent et s'entrechoquent. Williard Russell, rescapé de l'enfer du Pacifique, revient au pays hanté par des visions d'horreur. Lorsque sa femme Charlotte tombe gravement malade, il est prêt à tout pour la sauver, même s'il ne doit rien épargner à son fils, Arvin.

Carl et Sandy Henderson forment un couple étrange qui écume les routes et enlève de jeunes auto-stoppeurs qui connaîtront un sort funeste. Roy, un prédicateur convaincu qu'il a le pouvoir de réveiller les morts, et son acolyte Théodore, un musicien en fauteuil roulant, vont de ville en ville, fuyant la loi et leur passé.

Toute d'ombre et de lumière, la prose somptueuse de Pollock contraste avec les actes terribles de ses personnages violents et malgré tout attachants. 



Mon avis :

Le diable, tout le temps, premier roman de Donald Ray Pollock est un livre sombre et violent.
L’auteur y décrit une galerie de personnages paumés de l’Amérique profonde (Ohio) dont il va croiser les destins. Là-bas, les hommes dressent dans la forêt un tronc à prières et sacrifient des animaux pour vaincre le cancer qui ronge leur épouse. Les prêtres aiment trop les petites filles et leurs prédications ont quelque chose à voir avec l'Apocalypse. Les jeunes auto-stoppeurs ont intérêt à continuer à pied car s'ils croisent Sandy et Carl, couple de tueurs-voyeurs, ils finiront dans le fossé. On rencontre également des fous de Dieu qui tuent leur femme avec un tournevis puis attendent calmement qu'elle ressuscite.

Ces personnages vont se croiser au fil de leurs pérégrinations les entraînant vers un destin encore plus sombre.
Le mal est ici poussé à son extrême avec des scènes de sang et de sexe et un langage assez brutal qui colle au contexte.
Mais malgré cette dépravation, l’auteur parvient à rendre certains personnages touchants car ce sont surtout des paumés, des âmes perdues qui tentent de survivre dans un contexte primaire.
Chaque personnage veut s’en sortir soit par l’amour pour Willard, le père d’Arvin, soit pour une passion de la photographie pour Carl, soit pour le rapprochement avec Dieu pour les prédicateurs ou soit pour le pouvoir d’être élu shérif. Ils ont tous de bonnes raisons de commettre leurs actes ignobles. Mais ils sont surtout ignorants de la différence entre le bien et le mal.
Donald Ray Pollock entraîne le lecteur dans cet univers de cinglés d’une manière éblouissante, passionnante et addictive. On s’interroge sur le mal, celui lié aux convictions profondes de pauvres bougres, et sur la rédemption.
Pour l’auteur ce monde est complètement fou. Cela ne peut donc se terminer que dans la violence dont personne ne réchappe.
Un livre bouleversant qu’on n’oublie pas de sitôt.

Elu meilleur roman de l’année 2012 par la rédaction du magazine Lire.
Lauréat du Grand Prix de littérature étrangère policière de l’année 2012.
Lauréat du Prix Mystère de la critique en 2013.



C’est à 50 ans, après avoir travaillé dans une usine de pâte à papier pendant trente-deux ans que Donald Day Pollock se tourne vers l’écriture. Il est reconnu comme l’une des voix montantes de la littérature contemporaine américaine avec la publication d’un recueil de nouvelles, Knockemstiff, puis de son premier roman Le Diable, tout le temps, unanimement salué par les critiques. 

LE DIABLE TOUT LE TEMPS  -  Donald Ray POLLOCK
ALBIN MICHEL  -  Collection Terres d'Amérique  -  2012
LIVRE DE POCHE  -  2014

dimanche 5 août 2018

LA PRUNELLE DE SES YEUX - Ingrid DESJOURS


Il est aveugle. Elle est ses yeux. Elle pense le guider vers la lumière. Il va l'entraîner dans ses ténèbres. 
Gabriel a tout perdu en une nuit. Son fils de dix-sept ans, sauvagement assassiné. Ses yeux. Sa vie... Les années ont passé et il n'a pas renoncé à faire la lumière sur la mort de son enfant. Quand un nouvel élément le met enfin sur la piste du meurtrier, c'est une évidence : il fera justice lui-même. Il recrute alors Maya, une jeune femme solitaire et mélancolique, sans lui avouer ses véritables intentions...



Ingrid Desjours signe avec La prunelle de ses yeux un excellent thriller psychologique comme je les aime. Les personnages sont à la fois machiavéliques et paumés, et la partie thriller aborde un contexte médical que je ne connaissait pas et qui, à lui seul, contribue au suspense de l’intrigue. Il s’agit de la cécité de conversion, une maladie sans aucune anomalie physiologique, mais liée à un profond traumatisme psychologique, se traduisant néanmoins par une perte de la vue qui peut être totale.
C’est le cas de Gabriel devenu aveugle suite à l’assassinat de son fils de 17 ans. Bien qu’il ait réussi à développer d’autres moyens de perception, on se demande par moment si sa cécité est bien réelle, tant ses déductions et ses agissements liés aux perceptions de l’environnement sont étonnantes. Sachant que cette cécité peut être réversible, on s’attend aussi par moment à une diminution de sa cécité et un retour à une vue normale.

L’auteur signe un roman véritablement abouti. Avec dextérité, elle l’ancre dans la réalité quand il est question d’élitisme et des grandes écoles, d’intolérance et de pouvoir politique. Non sans un certain brio, elle essaime d’autres thèmes, les relations père-fils, l’homosexualité, le bizutage, la soumission à travers l’expérience de Milgram, la résignation acquise via l’expérience d’Overmier & Seligman, Seligman & Maier.

Mais cela dit, je donne l’impression d’un fourre-tout. Il n’en est rien. Bien au contraire. Ce roman noir, est d’une rare fluidité. Le lecteur navigue dans un va et vient incessant entre 2003 et 2016. Deux époques mais aussi, un double suspense. La narration amène une analyse fine et intelligente des situations. Elle construit l’intrigue dans un rythme parfait. Tout devient passionnant. Il y a le meilleur de l’homme et le pire, l’amour et la haine. Le lecteur est au début de chacune des parties de ce roman, éclairé par de courts textes relatant des expériences menées dans les années 60. Ces liens qui n’ont rien d’innocent. Ils renforcent ce que vivent les personnages principaux. Justement, parlons de ces personnages. Ils sont forts et torturés. Leurs sentiments sont justes. Gabriel, son deuil et sa culpabilité, Maya et ses dépendances, à l’alcool et à Tancrède Sinclair, l’archétype du facho détestable. Et Victor, personnage central, forgé dans ses doutes et ses envies, si présent et décédé.

L’intrigue est délicate et brutale. Chacun manipule l’autre dans un voyage où tous se verront dépouillés de leurs artifices, de leurs mensonges et leurs non-dits. Dans cette recherche de la vérité où les traumas doivent être mis à nu, Ingrid Desjours joue sur les certitudes et les doutes. Chercher la vérité peut-être un révélateur de ce que nous sommes. Voir cette vérité en face, y faire face, c’est aussi affronter son propre regard sur soi.

Une histoire aussi noire que touchante.



Auteur française née en 1976. Ingrid Desjours est psychocriminologue spécialisée en sexo-criminologie. Après avoir pratiqué en Belgique auprès de criminels sexuels, elle anime aujourd’hui des conférences sur la psycho-criminologie et la criminalité d’entreprise. Elle se consacre entièrement à l’écriture de romans et de scénarios pour des séries télévisées.


LA PRUNELLE DE SES YEUX  -  Ingrid DESJOURS
Editions Robert Laffont – La Bête Noire – 2016
Pocket – 10/2017