Le
protagoniste de ce roman est Pete Snow, assistant social dans une petite ville
rurale du Montana, au début des années 80.
La
propre vie de Peter est un peu plus reluisante que celle des gens dont il
s’occupe. C’est un homme bon, bien intentionné, parfois suicidaire, et manquant
de temps en temps de bon sens. Il est aussi un père ivre et absent de
l’éducation de sa fille adolescente. C’est son épouse dont il est séparé qui en
a la garde, une femme triste et désespérée qui ne se montre pas à la hauteur
pour gérer au mieux son éducation, celle d’une jeune fille vulnérable, à
l’éclosion de sa sexualité. Au lieu de se concentrer sur son propre enfant,
Peter passe tout son temps parcourant le Montana rural, essayant de sauver des
enfants sauvages qui vivent avec des parents abusifs et dépassés, des gens qui
luttent avec la drogue et l’alcool, des gens pauvres dans des villes peu
peuplées, des endroits où personne ne se rend et d’où personne ne s’échappe.
Tôt dans
le roman, Peter rencontre un jeune garçon qui émerge des bois et erre dans la
cour d’une école. Il est mal habillé, sous-alimenté. Il vit dans la forêt et la
montagne avec sa famille. Peter décide de ramener Benjamin à sa famille. Ainsi
commence une saga qui se développe en une spirale hors de contrôle, et qui va
amener Peter au bord de la catastrophe. Les parents sont des séparatistes et
fondamentalistes religieux, qui considèrent le gouvernement comme leur ennemi.
Leurs croyances vont les mener à la tragédie.
Se
greffent là-dessus d’autres personnages marquants pour créer un portrait au
vitriol des USA des oubliés, des coins reculés, par les souffrances subies par
les enfants. Drogue, prostitution, alcool, maltraitances, manquements voire
absence d’éducation, cécité de la police et des services sociaux, tout y
passe en une macabre parade et Pete s’emploie avec les moyens qui lui sont
alloués et sa grandeur d’âme à donner un semblant d’humanité à un univers
qui n’en a plus pour ces mômes sacrifiés sur l’autel de la connerie de leurs
parents.
Cecil s'imaginait le genre d'endroits d'où venaient ces gamins - des milieux qui lui semblaient bien pires que sa pauvre petite famille détraquée -, et il sentait alors un vague sentiment de pitié l'envahir, mais nom de Dieu, ras le bol de les entendre chouiner. On aurait dit qu'ils ne pouvaient pas s'empêcher de se transformer eux-mêmes en objets de haine, en aimants à cruauté. Il se demanda si la maltraitance était une chose qui n'arrivait qu'aux gamins irritants, ceux qui n'inspiraient que violence et rejet, à l'inverse des gamins adorables qu'on dorlote, qu'on gâte et qu'on engraisse.
Inspiré par sa
propre expérience de travailleur social, Smith Henderson dessine avec précision
une topographie humaine vulnérable et brutale. On y perçoit aussi la
démesure des paysages splendides du Montana, une nature sauvage qui favorise
l’isolement et qui peut se révéler oppressante et hostile pour ceux qui
doivent y survivre. Un imposant tableau expressionniste éclairé par la richesse
et la puissance de l’écriture de Smith Henderson, que la critique a rapprochée
d’emblée de celle de ses grands aînés, parmi lesquels Cormac McCarthy, Peter
Heller ou Jim Harrison.
Né en 1973 à Missoula, Montana, Smith Henderson a grandi au sein d’une famille de cow-boys et fermiers. Après des études de lettres classiques, il devient éducateur spécialisé puis se dirige vers la publicité. Yaak Valley, Montana est son premier livre. Salué par la critique, finaliste du PEN Center USA Award, ainsi que de très nombreux prix littéraires aux Etats-Unis et en Europe, notamment l’International DUBLIN Literary Award et le Folio Prize, Yaak Valley, Montana a été couronné par le John Creasy (New Blood) Dagger Award et le Montana Book Award. Smith Henderson vit désormais à Los Angeles.
Yaak Valley, Montana - Smith Henderson
Belfond, août 2016
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