Journaliste
pour ITN pendant une quinzaine d’années, Gérald Seymour publia
son premier livre Harry’s game en 1975 et devint écrivain à
plein temps à partir de 1978. Depuis il a écrit plus d’une
trentaine de livres.
Edité
en 2007 sous le titre The walking dead, En marche vers la
mort sort en français dix ans
plus tard, mais reste d’une actualité brûlante. C’est
seulement le second livre de l’auteur, repris par Sonatine
Editions, après Dans son ombre
paru en 2015.
Comme
tous ceux qui étaient assis dans l'ombre dérisoire du mur, Ibrahim
était un mort vivant. Plus tout à fait un jeune homme à qui ses
deux premières années de médecine offraient un avenir et pas
encore un martyr qui serait honoré et accueilli à la table de Dieu.
Il connaissait les récompenses offertes aux chahids, car elles lui
avaient été énumérées à la mosquée de Habala par l'imam qui
avait été son protecteur et son recruteur, qui avait rendu possible
le début de son voyage vers le paradis.
Au
plus profond de lui, la peine pour son père l’emportait, ainsi que
la volonté de lui apporter une fierté qui le soulagerait de sa
terrible dépression. Il y avait aussi la vengeance, la volonté de
frapper les forces du mal et de montrer au monde la détermination de
la foi chez un jeune homme. Sa mère était morte parce que les
maîtres du royaume privaient de ressources la province d’Asir. Ces
gouvernements corrompus cohabitaient avec les kafirs, les mécréants.
Son frère aîné était mort pour défendre un pays musulman envahi
et violé par des impies. Son deuxième frère était mort des mains
des pires des infidèles. Il croyait que sa propre mort, son martyre,
libérerait son père de la mélancolie.
Ce
roman de Gérald Seymour est non seulement une extraordinaire analyse
psychologique de ce jeune homme, Ibrahim Hussein, tout au long de
son cheminement vers l’acte final, mais aussi celle de nombreux
intervenants qui vont être mêlés de près ou de loin à cet acte
barbare dont l’actualité nous parle quasi quotidiennement.
Le
style et le sujet en font un thriller haletant : une croisade au
nom d’un Islam intégriste qui creuse la fracture entre bons et
méchants, yankees et X-rays, ceux qui portent les bombes.
Mais
Ibrahim n’est qu’un pion aux mains d’un duo qui peut déchaîner
l’enfer, un planificateur qui recrute et organise, et un ingénieur
qui assemble la bombe : un gilet, des câbles, de la dynamite et
des clous.
L’auteur
ne fait pas preuve de manichéisme en nous forçant à nous
interroger sur les frontières entre le bien et le mal. David Banks,
officier d’élite du contre-espionnage anglais, doute aussi de cela
après avoir retrouvé et lu le carnet d’un de ses aïeuls, engagé
volontaire au sein des Brigades internationales dans l’Espagne de
1937, et qui reconnaît la bravoure de l’ennemi.
La
bravoure dont fait preuve le jeune Ibrahim est aussi remarquable, à
tel point que le personnage suscite de l’empathie. Même s’il est
responsable de ses actes, la vengeance qui le guide est tout à fait
compréhensible. Son endoctrinement est tel qu’il ne voit pas qu’il
est juste un pion aux mains de chefs qui se servent de cette chair
humaine pour mener leur propre guerre.
A
l’inverse, les deux hommes de main irlandais, chargés d’obtenir
la moindre information de la bouche d’un activiste repenti,
suscitent le dégoût . La cruauté dont ils font preuve peut-elle se
justifier par le besoin de sécurité que nous attendons de nos
dirigeants et des services chargés d’évaluer la menace et
d’obtenir des renseignements ?
Dans
la guerre que nous menons contre l’État Islamique, peut-on se
permettre de suivre un code de bonne conduite, ou doit-on agir comme
des barbares, être favorable à la torture, choisir entre le pire et
le moindre mal ?
Terrorisme,
bravoure, lâcheté. Une actualité brûlante traitée avec recul et
humanité.
EN MARCHE VERS LA MORT - Gérald SEYMOUR
SONATINE - 07/09/2017
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