Le
milliardaire Enstenov Khalinek est non seulement un financier, un
négociant en art, mais il se veut aussi mécène, découvreur de
génies. Grâce à son aide financière, il a permis à l’artiste
Stendriëk Börgen, un peintre atypique, inclassable, de ne pas
apparaître pendant dix ans, de se consacrer exclusivement à son
art, de ne rien révéler de son œuvre et de son génie.
Le
temps est venu de dévoiler au public l’oeuvre magistrale de
l’artiste. Exposées au Titanium Palace, le temple de l’art
imaginé par Khalinek, les 3267 toiles du peintre suscitent émotions,
interrogations et effrois.
Börgen
apparaît comme le plus beau spécimen d’écorché vif, le plus
exceptionnel névrosé, un artiste autiste, un magnifique
psychotique, un pathétique paranoïaque, un apôtre du délire
schizophrénique, une personnalité d’exception, un génie sans
commune mesure.
Quant
à Khalinek, outre le fait qu’il n’accepte aucune interview, ne
se livre jamais à quiconque, il ne possède apparemment pas le
vaniteux désir d’être admiré. Autant sa puissance financière,
intellectuelle et politique est développée, autant son
égocentrisme, son autosatisfaction, son narcissisme sont en
apparence atrophiés.
L’intérêt
des médias centré au départ sur l’oeuvre de l’artiste, se
transforme rapidement et vise plutôt des points de détail de son
travail. On n’hésite pas à évoquer le côté malsain et
malveillant de ses toiles et à lui demander des explications :
se justifier sur la réalisation de portraits de disparus, révéler
sa technique picturale, ainsi que la composition de la matière qu’il
utilise.
Anna
James, journaliste au Times Magazine, va aussi croiser la route de
Börgen et de Khalinek. Sa clairvoyance est à l’origine de son
enlèvement et de l’obligation qui lui est imposée d’écrire la
biographie de l’artiste.
Ces
trois personnages que l’on côtoie tout au long du récit ont tous
un problème psychologique tant leur comportement paraît dérangeant,
anormal, écoeurant. La confiance et la sympathie qu’ils suscitent
chez autrui et le sentiment positif développé à l’égard
d’autrui expliquent clairement le syndrome de Stockholm évoqué
dans le titre du livre.
Doit-on
tout accepter au nom de l’Art sous prétexte qu’il n’a aucune
limite ? Condamner un artiste peut-il aller de pair avec la
reconnaissance de son Art ? Telles sont les questions que l’on
est amené à se poser durant cette lecture.
Philémon
Le Bellégard signe un thriller psychologique qui ne manque pas
d’originalité, tout en délaissant les codes habituels du
thriller. Ici il n’est pas question de twists, ni de grosses
interrogations. Les personnages sont placés dès le départ, leur
rôle connu, et l’addiction naît de l’envie de savoir jusqu’où
vont aller l’artiste et le milliardaire pour assouvir la soif de
création de l’un et son rôle de mécène pour l’autre. On
assiste avec dégoût au fil des chapitres au développement de
l’Oeuvre, à la montée en puissance de la folie créatrice d’un
personnage, à la fois génie surhumain et monstre déshumanisé,
qui devient ingérable.
Une
histoire de pacte, de peinture et de passion, au dénouement
pitoyable et tragique.
Il y avait également cette relation si particulière avec Enstenov Khalinek, qu'elle commençait à identifier, à nommer relation amoureuse, une sorte de syndrome de Stockholm, doublé d'une attraction sexuelle intense, triplé d'une admiration trouble pour cet homme au passé opaque et au pouvoir immense, quadruplé d'une intelligence et d'un machivélisme fascinants, quintuplé d'une envie d'être protégée et dominée, sextuplé d'elle ne savait trop quoi, septuplé, octuplé, nonuplé, décuplé par l'isolement forcé et le rapprochement inéluctable de deux êtres qui ne demandent qu'à exprimer leurs sentiments, qu'à expulser leurs stress et à s'abandonner, une fois n'est pas coutume, aux plaisirs charnels.
SYNDROME DE STOCKHOLM - Philémon LE BELLEGARD
Editeur : LIBRINOVA - 01/12/2016
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