Carnets Noirs est le
second livre de la trilogie Bill Hodges, du nom de ce policier à la
retraite, personnage principal du premier tome, Mr Mercedes.
Le récit commence
trente ans plus tôt. Morris Bellamy et deux complices s’introduisent
chez l’écrivain John Rothstein, auteur de la trilogie Jimmy Gold,
afin de le cambrioler. Morris en veut particulièrement à l’auteur
d’avoir abandonné ce personnage qui est son héros. Mais
l’effraction tourne mal. John Rothstein est tué et les voleurs
repartent avec le contenu du coffre : des carnets en moleskine
relatant la suite des aventures de Jimmy Gold, et quelques enveloppes
remplies de billets de banque.
Bellamy liquide ses
complices et enterre son butin. Peu de temps après, il se fait
arrêter pour agression sexuelle sur une femme et écope d’une
sentence de prison à vie.
Une trentaine
d’années plus tard, le jeune Peter Saubers découvre un trésor
dans un terrain en friche derrière chez lui. Cela tombe bien car son
père est une des victimes du conducteur à la Mercedes (tome 1) dont
il garde un handicap qui lui a fait perdre son travail. La crise
économique aidant, la famille a bien du mal financièrement, et
cette découverte vaut bien une mine d’or. Non seulement l’argent
va aider sa famille, mais les carnets en moleskine valent aussi une
fortune auprès des collectionneurs. Peter semble bien maîtriser la
situation, sauf que survient la libération conditionnelle de Morris
Bellamy qui rêve depuis trente ans à Jimmy Gold et à son butin.
Dans cette histoire
deux intrigues se croisent et se rapprochent, celle de Peter Saubers,
un jeune garçon déterminé à sauver sa famille et l’éducation
de sa sœur, et celle de Morris Bellamy, un truand obsédé par son
personnage de roman fétiche, prêt à faire n’importe quoi pour
obtenir ce qu’il veut.
Stephen King prend
le temps de mettre en place son intrigue et ses personnages, nous
laissant le temps de nous familiariser avec eux, d’avoir de
l’empathie pour certains et d’en détester d’autres, ou à
défaut de sympathie avoir un peu de compassion. Il maîtrise le
suspense qui va crescendo jusqu’à ce qu’il soit temps de jouer
avec nos nerfs et augmenter la tension avec des chapitres plus
rapides, plus courts. Peter, Morris, et Bill Hodges entrent alors
dans la mêlée, nous faisant rebondir d’un personnage à l’autre
et nous entraînant dans une course poursuite haletante.
On retrouve dans
Carnets Noirs une construction d’intrigue fort semblable à celle
de Mr Mercedes : on connaît d’emblée le gentil et le
méchant, et le suspense évolue au fil de la relation entre les
personnages. Quant à la griffe de l’auteur, elle est parfaitement
reconnaissable et c’est ce qui fait probablement tout son charme :
des aventures rocambolesques, des personnages hauts en couleur, et un
humour particulier. Même Morris Bellamy, dans toute sa démence
obsessionnelle, arrive encore à nous faire sourire, à chaque fois
qu’il s’identifie à son personnage fétiche en disant « Cette
connerie, c’est des conneries. »
Là où le bas
blesse, c’est dans la psychologie des personnages, en particulier
des personnages récurrents, Bill Hodges et ses partenaires, dont on
ne sait pas grand-chose de plus que dans le tome précédent. Celles
de Peter Saubers et Morris Bellamy sont plus approfondies, les
rendant ainsi plus intéressants.
Ce livre permet
aussi à Stephen King de rendre hommage à la littérature
américaine, à la lecture et aux livres eux-mêmes, dont il est
question d’un bout à l’autre du roman, pour notre plus grand
plaisir, car en tant que lecteur, on ne peut que se sentir concerné
par ce qu’éprouvent les personnages vis-à-vis des livres et des
histoires. L’univers des collectionneurs et revendeurs d’éditions
rares, qui s’intéressent parfois plus au livre en tant qu’objet
très lucratif qu’à son contenu, est aussi évoqué, ce qui fait
naître des idées ou des dialogues passionnés, d’où perlent
l’hystérie du fan et le cynisme de l’acheteur-revendeur.
Une belle réussite,
un roman bien fichu et digne d’intérêt !
L’une des révélations les plus électrisantes dans une vie de lecteur, c’est de découvrir qu’on est un lecteur – pas seulement capable de lire (ce que Morris savait déjà), mais amoureux de la lecture. Éperdument. Raide dingue. Le premier livre qui donne cette impression ne s’oublie jamais et chacune de ses pages semble apporter une nouvelle révélation, une révélation qui brûle et qui enivre : Oui ! C’est ça ! Oui ! Je l’avais vu aussi ! Et, bien sûr : C’est exactement ce que je pense ! C’est ce que je RESSENS !
Ces larmes sont l'indicateur du pouvoir suprême de la fiction. Ce même pouvoir qui a tiré des larmes à des centaines de milliers de gens apprenant que Charles Dickens était mort d'une attaque. le même qui, durant des années, a poussé un inconnu à venir poser une rose sur la tombe d'Edgar Allan Poe tous les 19 janvier, jour de l'anniversaire de Poe.
Ce n’est que mon opinion personnelle, vous voyez, et les opinions, c’est comme les trous du cul : tout le monde en a.
CARNETS NOIRS - Stephen KING
Editions ALBIN MICHEL - 02/03/2016
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