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mercredi 28 juin 2017

SOIGNER, NICE 14 JUILLET 2016 - Marc MAGRO

Marc Magro est urgentiste au trauma center du CHU de Nice. Le soir du 14 juillet 2016, il travaillait à Menton, mais c’est en écoutant ses collègues que lui vient l’idée du livre.

Soigner est un livre-mémoire, une compilation des témoignages des soignants qui se sont mobilisés pour venir en aide aux victimes de l’attentat de Nice, des témoignages qui s’érigent comme des stèles. Leur donner la parole est une manière d’entendre autre chose que les infos diffusées en boucle au moment des faits, quelque chose de plus intime, d’intérieur, une parole et un ressenti que beaucoup de soignants attendaient de pouvoir exprimer.
C’est aussi une façon de leur rendre hommage.

Goran, jeune pompier volontaire de 16 ans, est passé de touriste à secouriste avec ce qu’il avait sous la main. Benoît, urgentiste, s’est retrouvé par hasard à Lenval et a laissé ses enfants et sa femme pour courir sauver des victimes. Sam, pompier professionnel, a compté le nombre de morts sur 1,7 km sur son scooter. Chloé, infirmière en réanimation pédiatrique, mais aussi infirmière pompier volontaire depuis près de quinze ans, est montée dans une ambulance pour former un équipage avec un médecin et trois pompiers.
Quatre témoignages parmi la cinquantaine que l’on peut lire dans ce livre. Quelques témoins parmi la multitude de personnes qui se sont engagés pour en secourir d’autres.

L’auteur classe et entrecoupe les témoignages de telle manière que les événements soient relatés de façon chronologique. Les faits sont décrits sans vouloir exagérément verser dans l’horreur, mais en nous transmettant ce ressenti qui à lui seul nous bouleverse et nous plonge dans une situation effroyable. Il nous décrit aussi les différentes structures qui se sont mises en place pour l’organisation des secours et les procédures que doivent suivre les intervenants, qui au risque de paraître inhumaines ont pour but de sauver un maximum de gens.

Même formé à soigner, habitué à faire face parfois à des situations difficiles, personne ne peut imaginer quel sera son comportement dans une situation d’une telle ampleur, ainsi que la façon de surmonter le choc émotionnel qui va en découler.
Les témoins parlent également de cette expérience personnelle et de tout ce qui a changé dans leur vie après les attentats.

Une situation effroyable. Des comportements exemplaires. Un livre bouleversant.


« Au lieu d’évaluer la gravité des patients dans un rapide survol, je me suis arrêté à la première victime. C’était plus fort que moi : l’élan humain a pris le pas sur la raison. J’ai réalisé que ce n’était pas ce qu’il fallait faire. Elle était malheureusement morte et je ne pouvais rien. Personne n’aurait pu la sauver. J’ai dû dire deux trois mots à la famille, quelque chose comme : « C’est terminé, on est obligés de partir. » On ne dit jamais ça en temps normal. On explique, on accompagne. Là, c’était inhumain pour tous. »


« Elle découvre un homme d’une quarantaine d’années en choc hémorragique, inconscient, gémissant, les deux jambes écrasées. Deux garrots ont été posés au-dessus des genoux avant qu’elle n’arrive. Vanessa cherche une veine pour perfuser le patient. Il est urgent de lui remonter la tension. Ce sera fatal, autrement. Malheureusement rien n’est simple. Les veines sont plates, le patient a perdu énormément de sang.Au-dessus d’elle, Vanessa entend cette litanie incessante : « Comment il va ? … Est-ce qu’il va s’en sortir ? Hein ? ...Dites-moi, madame… Est-ce qu’il va s’en sortir, comment il va ? Dites-moi ... »Elle n’ose relever la tête. Elle a besoin de se concentrer. Tout en elle bouillonne. Aucune veine n’est accessible. Elle doit rester calme.« Comment il va ? ... » La litanie recommence. Elle exploserait peut-être, mais se retient.Lorsqu’elle lève la tête, elle découvre avec stupéfaction que la voix est celle d’un jeune ado de 11 ou 12 ans.« C’est mon papa », dit-il. »



« Lorsqu’une mère vous demande où est son enfant et qu’on ne sait même pas s’il est vivant, on aimerait se cacher dans un trou de souris. On aurait pu lui amputer une jambe à cette pauvre femme, je crois que c’était secondaire. Elle n’avait qu’une idée en tête : Où est mon fils ? »




SOIGNER , NICE 14 JUILLET 2016
Editions FIRST  -  01/06/2017

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