Elizabeth Strout est
une romancière américaine. Elle a reçu le prix Pulitzer en 2009
pour Olive Kitteridge, un
superbe roman qui n’est autre qu’une ode à la vie, un bijou de
psychologie à la musique si
particulière.
Avec la même
délicatesse, dans Je M’Appelle Lucy Barton, elle manifeste
une fois de plus un talent évident pour évoquer les sentiments, les
secrets et les états d’âmes en nous montrant comment une simple
visite dans un hôpital se transforme en la plus tendre relation qui
puisse exister, celle entre une mère et sa fille.
Le roman, narré par
la protagoniste avec une vision vers le passé, et donc avec le recul
et le manque de fiabilité de la mémoire, se déroule au milieu des
années 1980 au cours d’une longue hospitalisation liée à une
maladie non diagnostiquée survenue après une ablation de
l’appendice.
L’action se passe
sur cinq jours, durant lesquels Lucy reçoit la visite de sa mère, à
qui elle n’a pas parlé pendant de nombreuses années. Des
railleries et anecdotes à propos des personnes de l’enfance de
Lucy à Amgash, dans l’Illinois, semblent les reconnecter. Mais la
présence de sa mère lui rappelle aussi des tensions et des
souvenirs plus douloureux de son enfance : la pauvreté, les
abus et l’exclusion sociale.
Elizabeth Strout
décrit admirablement l’enfance de Lucy, imprégnée non seulement
de difficultés financières, mais aussi de privations culturelles et
émotionnelles : ni livre, ni magazine, ni télévision, ni
voisins. Le sentiments d’isolement est palpable et l’auteur crée
une représentation tragique de la solitude d’une vie.
« Tout en
me sentant épanouie, je me sentais seule. La solitude est le premier
goût que m’a laissé la vie, et il ne m’a jamais quittée,
toujours tapi dans les interstices de ma bouche, comme un rappel. »
Lucy
nous confie aussi que c’est cette solitude qui l’a incitée à
devenir écrivain.
« Les
livres m’apportaient quelque chose. Grâce à eux, je me sentais
moins seule. Et je pensais : moi aussi, un jour, j’écrirai et
les gens ne se sentiront plus aussi seuls ! »
On peut dire que
Lucy a réussi dans la vie. Elle est écrivain, est mariée et a deux
enfants. Malgré cela, la solitude semble encore l’affecter.
L’éloignement de son mari, qui n’aime pas fréquenter les
hôpitaux, et de ses enfants ne serait-il pas la cause de cette
maladie non diagnostiquée, psychosomatique, responsable de sa longue
hospitalisation ? En tout cas, elle avoue ressentir un
attachement profond pour le médecin juif qui lui rend visite
quotidiennement. De même elle voudrait pouvoir retenir plus
longtemps l’infirmière qui passe à son chevet, et reconnaît
l’apaisement que lui procure la présence de sa mère à ses côtés.
« En temps
normal, je me réveillais à minuit, puis sommeillais par
intermittence, ou bien je restais les yeux ouverts, à regarder les
lumières de la ville par la fenêtre. Mais, cette nuit-là, j’ai
dormi sans interruption et, au matin, ma mère était assise au même
endroit que la veille. »
La
mère de Lucy, probablement à cause de sa propre éducation, est
incapable de dire à sa fille qu’elle l’aime sauf « quand
tes yeux sont fermés. », ce qui explique aussi la
privation émotionnelle et la solitude. Le plus tragique est aussi
que Lucy elle-même n’en perçoit pas la portée dévastatrice .
« J’ai la
sensation que les gens pourraient ne pas comprendre que ma mère n’a
jamais pu dire les mots « je t’aime ». J’ai la
sensation que les gens pourraient ne pas comprendre que ça n’était
pas grave. »
Je
M’Appelle Lucy Barton est un roman sur l’amour, l’amour
compliqué et complexe entre une mère et sa fille.
Merci à NetGalley et aux Editions Fayard de m'avoir permis de lire ce livre en avant-première en échange d'une critique honnête.
JE M'APPELLE LUCY BARTON - Elizabeth STROUT
Editions FAYARD - 30/08/2017
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