Roger
Smith est un auteur sud-africain de thrillers politiques sombres
et assez violents. Sortant de son thème habituel, il écrit sous le
pseudonyme de James Rayburn un roman d’espionnage hors du
commun, La Vérité Même, où il est question
d’individualisme, de patriotisme et de règlement de comptes.
Kate
Swift, ex-agent de la CIA, est devenue une paria . Suite à la mort
du père de son enfant, motivée par son dégoût et son désir de
vengeance, et probablement aussi pour laver sa propre culpabilité,
elle fait éclater la vérité sur les agissements et atrocités en
tout genre commis par certains agents . Parmi ceux-ci, Lucien Benway,
l’homme qui a dirigé les opérations spéciales de la CIA, des
opérations secrètes en pays étrangers, missionné par le président
en personne, et qui a subi, suite aux aveux de Kate, l’humiliation
de voir tous ses liens avec la CIA, le Pentagone et la Maison-Blanche
coupés du jour au lendemain, un homme renvoyé dans les limbes,
désaimé des puissants amis qu’il admirait tant, passant de chien
de concours à bâtard en moins de cinq secondes, un homme qui a la
haine envers la responsable de ce gâchis et qui n’a de cesse de la
retrouver pour régler ses comptes.
Planquée
depuis deux ans dans le Vermont , sous une fausse identité, avec sa
fille Suzie, Kate mène autant que faire se peut une existence
paisible, bien loin des missions de sa vie antérieure. Un jour, en
sa présence, deux jeunes hommes font irruption et ouvrent le feu
dans l’école primaire de Suzie.
Laissant
ressurgir ses automatismes, Kate parvient à maîtriser les
agresseurs au risque de se dévoiler. Persuadée que ces hommes armés
ont été envoyés par son ancien ennemi juré, Lucien Benway, elle
disparaît avec sa fille et part retrouver son mentor à la retraite
Philip Danvers, et Harry Hook, stratège de génie, qui n’avait pas
son pareil pour imaginer des plans infaillibles, dans le but de
disparaître une deuxième fois. Mais Lucien Benway n’a aucune
limite pour assouvir sa vengeance, et l’irruption de Kate va
remettre à jour des règlements de comptes qui vont coûter cher en
vies humaines.
Ce
n’est donc pas un thriller d’espionnage géopolitique tel qu’on
a l’habitude de voir, mettant en scène une puissance étrangère
néfaste, mais plus un livre sur les espions eux-mêmes.
La
Vérité Même explore l’idée que les espions, tout en
étant des machines à tuer impitoyables, sont des êtres humains
imparfaits comme vous et moi. Travailler pour la CIA est stressant et
cela finit par vous épuiser, tuer votre rêve et vous transformer en
un gâchis existentiel. L’intrigue du livre provient
essentiellement d’un conflit d’égos entre Kate Swift, la
patriote – son allégeance au pays et au drapeau forgée par ce
qu’elle avait vécu à quatorze ans lorsque, debout sur un trottoir
du Mower Manhattan, elle avait vu s’écrouler les tours jumelles et
inhalé la poussière des morts - , et Lucien Benway, un fanatique
qui dissimule sa psychopathie sous un chauvinisme des époques Reagan
et Bush.
Les
thrillers d’espionnage traditionnels présentent cet aspect
patriotique qui oppose les Etats-Unis à un ennemi politique
malintentionné. Celui qui s’éloigne du programme finit toujours
par être un traître. Ce n’est pas le cas ici. Techniquement, Kate
Swift est le traître pour avoir dénoncé les activités de la CIA,
tandis que Benway est juste un employé du gouvernement trop
ambitieux qui a été pris en flagrant délit de faire de la merde. A
eux deux, ils symbolisent les deux visages du patriotisme : le
sacrifice désintéressé pour le plus grand bien (avec sans doute un
goût sauvage pour l’aventure) et l’ambition insouciante se
cachant dans les agences gouvernementales et se faisant passer pour
de l’altruisme.
James
Rayburn (Roger Smith), avec un fond d’espionnage, nous offre un
excellent thriller d’action. Il conduit le récit vers une
conclusion palpitante en Thaïlande, tout en le parsemant d’un peu
d’humour et de satire, ce qui a pour effet d’atténuer un peu la
violence bien présente.
Bien
qu’il y ait un peu de rédemption, tout le monde ne survit pas.
Ceux qui ont cette chance risquent de vous surprendre.
LA VÉRITÉ MÊME - James RAYBURN
CALMANN-LEVY - 10/01/2018
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