Une berge qui se désagrège sous la pression du courant. Des
filaments de bâche qui se déroulent et laissent se rassembler des
fragments d’os dans un remou.
La disparition de Ligeia et les événements qui l’entouraient
n’ont jamais été résolus pour Eugène. Il est même étonné de
revoir après autant de temps son visage à la une du journal local.
Eugène avait 16 ans en 1969. Bill, son frère, quatre ans de plus.
Ils avaient l’habitude d’aller pêcher, cet été-là, à Panther
Creek . C’est là qu’ils ont vu Ligeia, nageant nue dans la
rivière . Ils tombèrent sous son charme et furent attirés dans cet
été aventureux de l’amour et de l’expérimentation libres.
Une quarantaine d’années plus tard, sa résurrection fat ressurgir
les ombres du passé et les questions les plus inquiétantes autour
de ce qui s’est réellement passé.
Ron Rash a toujours montré son intérêt pour les conflits
familiaux.
Quand Eugène et Bill étaient petits, à la mort accidentelle de
leur père, ils partent avec leur mère s’installer chez son
beau-père, un médecin généraliste renommé ayant d’énormes
besoins de contrôle et d’obéissance sur sa famille et ses
patients, tant il connaissait les secrets de chacun.
Eugène est à présent un écrivain raté de 62 ans, un alcoolique
invétéré, divorcé et éloigné de sa seule fille. Bill, le frère
aîné, a longtemps été un chirurgien renommé, un homme bon,
compatissant et généreux.
Pourquoi une telle différence entre les deux frères ? Pourquoi
l’un suit-il un tel chemin, et l’autre un autre parcours ?
Peut-être Eugène manquait-il de pragmatisme ? Peut-être
a-t-il goûté trop tôt et trop intensément au fruit défendu,
l’alcool , envoûté par le démon qui apparaît sous les traits
d’une sirène ?
Une fois de plus, Ron Rash a écrit un livre marquant, envoûtant.
J’ai beaucoup aimé les allers et retours entre le passé et le
présent, la façon dont l’auteur nous parle de la rivalité entre
frères à l’adolescence, de l’emprise de la femme sur l’homme,
du pouvoir de l’argent . C’est aussi une réflexion sur
l’éducation, le poids des traditions familiales, la manière dont
on peut s’en échapper ou s’y enfermer en croyant dominer sa peur
. La fin ne donne peut-être pas de réponses précises aux questions
que l’on se pose, justifiant certaines critiques d’autres
lecteurs, mais cela fait partie de la force de l’histoire. Toute
décision a ses conséquences. Le personnage d’Eugène est
probablement celui qui suscite le plus d’empathie, et on aurait
souhaité une vie plus heureuse pour lui. Sa vie a été marquée
par ses décisions prises en 1969, et son côté tragique le reste
jusqu’au bout. La révélation finale m’a vraiment donné des
frissons.
Un roman noir saisissant, mais incroyablement triste !
Ron Rash, né en Caroline du Sud en 1953, a grandi à Boiling Springs et obtenu son doctorat de littérature anglaise à l’université de Clemson. Il a écrit à ce jour quatre recueils de poèmes, six recueils de nouvelles – dont Incandescences (Seuil, 2015), lauréat du prestigieux Frank O’Connor Award, et cinq autres romans, récompensés par divers prix littéraires : Sherwood Anderson Prize, O. Henry Prize, James Still Award. Une terre d’ombre (Seuil, 2014) a reçu le Grand Prix de Littérature policière. Ron Rash vit en Caroline du Nord et enseigne la littérature à la Western Carolina University.
(Source : Seuil.com)
PAR LE VENT PLEURÉ - Ron RASH
Editions du SEUIL - 17/08/2017
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