Vous êtes un jeune couple avec enfant(s). Vous
souhaitez prendre une nounou. Ne lisez pas ce livre !
Vous êtes un jeune couple avec enfant(s) et
vous avez déjà une nounou. Engagez une seconde nounou pour surveiller la
première !
Vous êtes une nounou et souhaitez vous faire
engager chez un jeune couple chez qui vous voyez ce livre. Faites gaffe !
Extraits
de la chronique littéraire de Gérard Collard sur Griffenoiretv.
« Le
bébé est mort. » Chanson douce
commence d’emblée avec une claque, dès la première page.
Le début
est infernal : un bain de sang dans lequel on retrouve le corps de deux
enfants et d’une femme qui semble s’être suicidée après avoir commis l’impensable,
et le cri, celui de la mère, telle une bête à l’agonie, un cri qui n’en finit
pas.
Après l’annonce
dramatique, Leila Slimani va
développer la genèse de cette atrocité. Un jeune couple de trentenaires
parisiens. Ils viennent d’avoir leur deuxième enfant. Lui est ingénieur du son
dans un studio d’enregistrement et ses talents commencent à être reconnus dans
le milieu. Elle est avocate et commence à en avoir marre des siestes et des
sorties au parc. Elle rencontre un vieil ami d’université qui lui offre un
poste dans son cabinet d’avocat. Ils se mettent donc à la recherche d’une
nounou.
Louise
est parfaite. Elle devient d’emblée la chouchou des enfants. Elle range l’appartement,
prépare le souper, … La nounou idéale en
quelque sorte !
Mais
nous, lecteurs, connaissons le fin mot de l’histoire. Petit à petit nous voyons
se profiler des tensions malsaines.
Le brio
et la finesse de la construction narrative sont les réelles surprises de ce
roman, bourré de suspense et d’émotions.
L’analyse
psychologique des personnages est annonciatrice du drame qui se prépare.
Un roman
habile, inquiétant.
Si vous saviez ! C’est le mal du siècle. Tous ces pauvres enfants sont livrés à eux-mêmes, pendant que les deux parents sont dévorés par la même ambition. C’est simple, ils courent tout le temps. Vous savez quelle est la phrase que les parents disent le plus souvent à leurs enfants ? « Dépêche-toi ! » Et bien sûr, c’est nous qui subissons tout. Les petits nous font payer leurs angoisses et leur sentiment d’abandon.
Dans son petit carnet à la couverture fleurie, elle a noté le terme qu’avait utilisé un médecin de l’hôpital Henri-Mondor. « Mélancolie délirante ». Louise avait trouvé ça beau et dans sa tristesse s’était subitement introduite une touche de poésie, une évasion.
Une haine monte en elle. Une haine qui vient contrarier ses élans serviles et son optimisme enfantin. Une haine qui brouille tout. Elle est absorbée dans un rêve triste et confus. Hantée par l’impression d’avoir trop vu, trop entendu de l’intimité des autres, de l’intimité à laquelle elle n’a jamais eu droit. Elle n’a jamais eu de chambre à elle.
Chanson douce - Leila Slimani
Gallimard 2016
Prix Goncourt 2016