Rien
de tel qu’un rythme relativement lent dès le départ pour imaginer
où un livre va nous emmener.
Tombé
dans ce piège d’hypothèses supposées, quel ne fut pas le choc
ressenti lorsque je me suis rendu compte que ce livre était
beaucoup plus que ce qu’il paraissait initialement.
En
fait, le livre contient une multitude de mystères disparates,
semblant n’avoir aucun rapport entre eux, jusqu’à ce qu’on se
rende compte que tout tourne autour du personnage principal.
Kate
Rafter est une reporter de guerre reconnue et largement respectée
dans le milieu journalistique. Son terrain de prédilection :
les régions bombardées et frappées par la pauvreté que la plupart
des autres évitent. Mais tout cela l’inquiète beaucoup moins que
sa propre enfance qu’elle fuit encore. Quand la mort de sa mère la
renvoie involontairement à cette vie passée, elle réalise que ce
qu’elle espérait éviter est quelque chose dont elle ne pourra
jamais se débarrasser. Atteinte d’un syndrome de stress
post-traumatique après un séjour à Alep, le retour à la maison de
son enfance lui fait comprendre à quel point elle veut fuir et à
quel point il est difficile de se débarrasser des horreurs de la vie
qui ont pu l’atteindre.
Racontée
à la première personne et au présent, l’histoire devient un
méli-mélo surréaliste et désorientant de rêves et de réalité,
comme Kate, aidée par un excès de somnifères et de vin blanc, qui
mélange ses cauchemars d’Alep, ses souvenirs d’enfance marquée
par la mort de son petit frère, et les cris qu’elle croit entendre
la nuit en provenance de la maison d’à côté.
Nuala
Ellwood vient d’une famille de reporters de guerre. Clairement, le
thème qu’elle explore dans Ceux qui te mentent est le syndrome
de stress post-traumatique dont sont fréquemment victimes les
soldats. Elle peint une image troublante de l’état mental de Kate
alors qu’elle se démène pour convaincre sa famille et la police
qu’il y a un garçon irakien maltraité qui vit à côté, un
garçon qu’elle est persuadée avoir aperçu, et qui lui rappelle
la mort déchirante à Alep d’un enfant avec lequel elle s’était
liée d’amitié.
Les
rêves de Kate se jouent dans des couleurs vives – des rêves de
sang, comme elle les appelle – tandis que la vraie vie est confuse
et désordonnée, qu’elle a du mal à aider Sally, sa sœur
alcoolique, ou qu’elle passe du temps dans sa maison d’enfance.
"
Ma mère avait installé dans toutes les pièces des ampoules de
faible puissance et vivait dans la pénombre. J’ai vécu les
dix-huit premières années de ma vie dans un demi-jour permanent,
redoutant ce qui pouvait se dissimuler dans les moindres recoins. "
Herne
Bay, "la ville où la nuit tombe vite et où le rythme des
journées est aussi prévisible que l’horaire des marées" est
le cadre idéal pour l’intrigue de Nuala Ellwood, un mélange
d’horreur domestique et de terreurs de guerre, un drame de la côte
et de la mer en opposition aux jardins proprets et aux rangées de
pavillons jumelés.
"
C’est la vie ! " se dit Kate en fermant la porte de la
maison de sa mère. " Ce n’est ni la guerre, ni les épidémies,
ni les hôtels incendiés ; ce sont des hommes et des femmes
dans leur petite boîte, avec leurs enfants, leur machine à café et
leurs congés payés . Voilà à quoi devrait ressembler la vraie
vie. Moi, je suis sur la touche, un fantôme sans racines. "
Ceux
qui te mentent est un thriller élégant et percutant au coeur
sombre. Bien que les rebondissements ne soient pas totalement
inattendus et certains faits manquent de crédibilité, cela n’enlève
rien à la puissance du récit et au plaisir de lecture.
CEUX QUI TE MENTENT - Nuala ELLWOOD
MICHEL LAFON - 08 février 2018
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